J’ai écrit ce texte en février 2015, au lendemain du cessez-le-feu imposé par Minsk 2. Il me tenait à cœur d’écrire quelque chose pour décrire ce que je vivais à Donetsk à l’époque où les tirs d’artillerie rythmaient nos nuits.
Voici la « carte postale » que j’ai publié dans le magazine canadien Nouveau Projet :
« Donetsk, Ukraine
Sous les nuages de Donetsk
La vue est sans nul doute la meilleure de Donetsk. Du nord au sud, l’avenue Artema. Cette fissure aux éclairages orangés à l’heure du couvre-feu traverse la capitale du Donbass, région minière de l’Est ukrainien. Au dernier étage du Sky city, un gratte-ciel de verre érigé à la suite de l’Euro 2012, un informaticien a installé son bureau. Ce jeune séparatiste a été nommé ministre de la communication de la République populaire autoproclamée de Donetsk. La construction de l’immeuble n’a pas été terminée et ne le sera surement jamais. Mais peu importe, le mobilier moderne, pillé lors de la prise de la ville par les prorusses, cache le béton. Affalé dans son fauteuil, l’étrange personnage regarde une série américaine, Coca-cola en main. L’armée ukrainienne, contre laquelle il lutte, est pourtant aux portes de la ville, et les combats font rage. Des flammes quittent l’horizon en direction de l’aéroport de Donetsk. De cet immeuble, la guerre se regarde paisiblement assis dans son fauteuil. L’Europe entière s’était réunie dans le quartier, en 2012. Ce bâtiment, comme le Donbass Arena situé à proximité, est le symbole de ce temps où la ville s’ouvrait volontiers à l’Ouest. Aujourd’hui, la ville est redevenue grise et se referme sur elle-même. Des images tout droit venues des guerres de Tchétchénie… Partout, des blocs de béton, des sacs de sable, des façades déchirées par les bombardements et le vrombissement des tanks prorusses qui traversent la ville. Même sous le soleil, le temps est gris. Le cessez-le-feu n’y change rien. La population manque toujours de nourriture, de médicaments et d’argent. La situation humanitaire est compliquée en ville, catastrophique dans les campagnes.
Tout le monde s’attend à une reprise imminente de combats intenses, la tempête après le calme. »
Paul Gogo