Situé en périphérie de Kiev, au premier étage d’un immeuble d’habitation, le bureau d’Alyona Kryvuliak est exigu. Depuis son centre d’appel, l’ONG internationale la Strada spécialisée dans le soutien des personnes touchées par les violences conjugales recueille la détresse de cette société heurtée par la guerre. Dans une salle, quelques téléphones et des appels qui ne cessent jamais. Peu de choses sont prévues par le ministère de la défense Ukrainien pour accueillir les soldats de retour du front. Pourtant, les conséquences psychologiques de la guerre sur l’ensemble de la population sont dramatiques. Le week-end dernier, un vétéran du conflit s’est fait exploser à Kiev, sur une île du Dniepr, grenade en main. Une réalité quotidienne en Ukraine. « Il y a les suicides par centaines, les divorces par milliers, quand les soldats reviennent du front alcooliques, drogués où qu’ils ont trompé leur femme sur place » explique-t-elle. Il y a aussi les femmes confrontées au départ soudain de leur mari appelé au front. Sans revenu et avec les enfants à la maison, vient alors la panique : « Elles nous appellent désespérées, elles pensent que nous pouvons demander au président de ne pas envoyer leur mari au front. Elles parlent de suicides puis craquent et se mettent à pleurer » raconte-t-elle. Une équipe de psychologues et de juristes répond aux appels. Car dans les villages, il est souvent très difficile pour les soldats conscients de leur stress post-traumatique, de trouver un psychologue. Il faut aussi gérer les agressions physiques, sexuelles et viols qui ne cessent d’augmenter depuis le début de la guerre, à la maison, comme sur le front. « Le pire, ajoute Alyona, c’est que quand les victimes appellent la police, il n’y a souvent aucune enquête d’ouverte. Ils arguent auprès de la victime qu’il faut comprendre que l’agresseur est allé défendre la patrie au front. Alors quand les appels viennent de la zone séparatiste ou de Crimée, là, nous ne pouvons vraiment rien faire pour les aider… ».
à Kiev, Paul Gogo