En Russie, l’opposition verte de colère

(Publié dans Ouest-France le 05/05/17)

Depuis quelques semaines, des opposants à Vladimir Poutine se voient jeter en plein visage un liquide vert tachant.

Le coup est connu en Russie. Attendre un opposant à la sortie d’une réunion, et lui jeter un liquide vert au visage pour l’impressionner. La victime met généralement plusieurs jours à nettoyer son visage couvert de colorant ou d’antiseptique. Depuis deux semaines, c’est une série d’attaques de ce type qui vise l’opposition russe. La dernière en date, la plus violente, celle de l’opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny. C’était le 27 avril dernier. La cornée du candidat à la présidentielle russe de 2018 est aujourd’hui brûlée. Selon ses médecins, il y avait probablement un produit chimique dans le liquide. Interdit d’aller se soigner en Suisse, l’opposant risque de perdre son œil droit.

Pas d’enquête

Mais cette fois-ci, pour les opposants et journalistes russes, c’est l’agression de trop. Les enquêtes de police lancées suite à ces agressions n’aboutissent jamais. La police balaye à chaque fois l’histoire en affirmant que les caméras de surveillance ne fonctionnaient pas au moment des attaques. Mais les militants de Navalny ont mené l’enquête. Ils ont découvert le présumé coupable de cette dernière attaque en seulement quelques heures. Alexander Petrunko, militant radical pro-Kremlin et membre d’un groupe « ultra-patriote » « SERB », apparaît nettement reconnaissable sur des images de vidéo-surveillance piratées. Photos à l’appui, le journaliste russe Alexeï Kovalev affirme que dans ses réseaux, cet homme est « à une poignée de main de Vladimir Poutine ».

Des attaques contre-productives ?

Navalny voit dans ces attaques la main du Kremlin, « le 27 avril, seule la police connaissait mon emploi du temps » affirme-t-il. Le journaliste Alexeï Kovalev modère ces accusations : « Ce n’est pas que Poutine ordonne personnellement ces attaques, mais il nomme des commissaires de police qui refusent d’enquêter. Les gens de ces groupes ultra-loyalistes reçoivent un signal clair : terrorisez nos opposants, vous n’aurez aucun soucis ensuite ». Citant une source au sein du Kremlin, le média russe Gazeta.ru écrit : « le Kremlin a demandé aux autorités locales de punir sévèrement ces actions illégales contre l’opposition car cela ne fait qu’augmenter leur popularité ». Pour cause, le candidat Navalny aurait récemment presque atteint la barre des 100 000 sympathisants.

Paul GOGO

Russie : 17 militants LGBT arrêtés à Saint-Pétersbourg

Papier diffusé sur Libération.fr

Répondant à l’appel de l’organisation de l’opposant à Vladimir Poutine Mikhail Khodorkovski, les manifestants s’étaient allongés ce lundi sur l’artère principale de la ville avec drapeaux tchétchènes et LGBT et faux sang pour dénoncer la répression du président Ramzam Kadyrov.

 

Au moins 17 militants LGBT ont été arrêtés ce lundi en marge d’un défilé du 1er mai à Saint-Pétersbourg, selon l’organisation russe spécialisée dans le monitoring de manifestations OVD-info. Affublés d’étendards arc-en-ciel et de drapeaux de la Tchétchénie, les militants se sont allongés sur l’artère principale de la ville, Nevsky prospect, couverts de faux sang. Ils s’en sont alors pris au président de la République de Tchétchénie, Ramzam Kadyrov, en s’écriant «Kadirov, à La Haye !», référence au siège du Tribunal pénal international. Plus tard dans la journée, la police a justifié ces arrestations en faisant état d’un «trouble à l’ordre public».

Ces militants répondaient notamment à l’appel de l’organisation Russie ouverte, de l’oligarque opposant à Vladimir Poutine Mikhail Khodorkovski. Elle est la cible des autorités depuis maintenant plusieurs jours. Samedi, ses représentants ont réuni des centaines de manifestants à travers le pays pour appeler Poutine à ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle, en 2018.

Une action avortée à Moscou

Il y a quelques semaines, une enquête du journal d’opposition et d’investigation Novaïa gazeta décrivait le harcèlement et les menaces dont font l’objet les LGBT de Tchétchénie. Une centaine de personnes, LGBT ou soupçonnées de l’être, auraient ainsi été arrêtées par les autorités tchétchènes puis menacées de mort, voire assassinées, le mois dernier. Les autorités du pays ont nié l’existence de ces méthodes, arguant «qu’on ne pouvait pas détenir et persécuter des gens qui n’existent pas dans notre république».

Si ces révélations et la communication provocatrice du gouvernement tchétchène ont fait le tour du monde, elles n’ont eu de résonance en Russie qu’à travers les réseaux sociaux, où les Russes se sont indignés en nombre. Cette action du 1er mai représente une première tentative de dénoncer le sujet publiquement, qui reste sensible en Russie : les autorités chassent quotidiennement les signes de «propagande homosexuelle».

Toujours à l’appel de la fondation Russie ouverte, des militants «végans et LGBT» (selon les termes de l’organisation) ont également tentés de se faire entendre à Moscou ce lundi. Les 19 militants ont été temporairement retenus par la police, accusés d’avoir déployé un drapeau arc-en-ciel dans le centre-ville puis relâchés sans poursuites.

Paul GOGO