Des croyants radicaux s’opposent à un film relatant une histoire d’amour entre une danseuse et le tsar Nicolas II.
Depuis plusieurs semaines, un groupe nommé « État chrétien – sainte Russie » appelle à la censure et à la destruction des cinémas qui prévoient la diffusion du film « Matilda ». Ce film relatant une histoire d’amour entre le dernier tsar russe Nicolas II et Mathilde Kschessinska, une ballerine, met une frange radicale de l’église orthodoxe en émoi, au point que des croyants appellent à brûler les cinémas. Un appel déjà suivi de faits. Ces derniers jours, plusieurs incendies et menaces de mort à travers la Russie ont convaincu une centaine de cinémas d’annuler leurs projections. Canonisé en 2000, Nicolas II est un symbole pour l’église orthodoxe qui s’est néanmoins désolidarisée des appels à la violence.
Le Kremlin contre la censure
Côté politique, ne reste plus que l’ancienne procureure de Crimée désormais députée au parlement russe, Natalia Poklonskaïa pour mener la croisade. Cette royaliste affirmée a fait appel aux descendants du tsar pour régler l’affaire devant les tribunaux. En Russie les appels à la censure lancés par l’église sont souvent suivis par l’État. Mais cette fois-ci, les extrémistes risquent de perdre la bataille. Le ministère de la culture qui a en partie financé le long-métrage, a validé la licence d’exploitation du film début septembre. Puis Vladimir Poutine s’est exprimé sur le sujet, déclarant : « de nombreux films ont déjà été réalisés sur la famille impériale. […] Beaucoup sont, selon moi, plus sévères que celui d’Alexeï Outchitel (le réalisateur de Matilda) ». Jeudi midi, le ministre de la culture a affirmé avoir vu le film, appelé à sa diffusion et a demandé à la député de cesser la polémique. Mais pour Alexander Kalinin, l’homme à la tête du groupe de fanatiques orthodoxes, rien n’y fait : « À chaque fois qu’un cinéma montrera le film, il sera brulé le lendemain » a-t-il de nouveau déclaré jeudi au site internet « Meduza ».
Organisé tous les 4 ans, par la Russie l’exercice militaire Zapad (ouest), a lieu cette année sur le territoire biélorusse et dans une moindre échelle, sur le territoire de la Fédération de Russie entre le 14 et le 20 septembre. Officiellement, il s’agit d’un exercice défensif. Mais nombre de pays voisins concernés par ces manœuvres y voient au mieux une réponse aux exercices de l’Otan organisés à proximité de la frontière russe, au pire, une invasion programmée des pays baltes dans une méthode déjà observée en Géorgie et en Ukraine. Au delà des inquiétudes, quelques faits sur l’exercice « Zapad 2017 ».
Des terroristes contre la Russie
Une démonstration de l’armée russe en août dernier
« Ces dernières années, les forces armées de Russie et de Biélorussie ont observé des changements dans l’organisation des combats et des entraînements opérationnels. L’efficacité de ces changements ne peut être observée que dans la pratique » a assuré le Vice-ministre de la Défense et lieutenant général Alexander Fomin le 29 août dernier, lors de la présentation de l’exercice « Zapad 2017 », au ministère de la Défense russe.
Ces manœuvres font l’objet d’un scénario précis créé par les ministères de la défense russes et biélorusses et correspondent selon ces mêmes ministères, à une menace actuelle : Le terrorisme.
Ce terme doit s’utiliser avec précaution tant sa définition est sujette à interprétations. Par exemple, la guerre russo-ukrainienne qui a éclaté dans l’Est de l’Ukraine en 2014, a longtemps été considérée par les ukrainiens comme une opération terroriste dans le but de qualifier la Russie par la suite, d’État terroriste. Où encore, la Russie qui qualifie ses guerres de Tchétchénie comme des « opérations anti-terroristes ».
Bien que semblable à celui du « Zapad 2013 », le scénario de cette année est intéressant dans le sens où il présente de nombreuses similitudes avec le conflit ukraino-russe. Dans son organisation vu d’Ukraine, dans ses fantasmes (une opération de déstabilisation dirigée par un pays ennemi), vu de la Russie.
« L’exercice prévoit l’entrée de groupes extrémistes fictifs sur les territoires de la République du Bélarus et dans la région de Kaliningrad en Fédération de Russie dans l’objectif de mener des attaques terroristes et de déstabiliser l’union des États russes et biélorusses. Ces extrémistes simulés sont supportés par l’extérieur à travers une assistance logistique, du matériel militaire et l’aviation. Pour combattre cette attaque, les troupes devront réaliser un certain nombre d’épreuves tactiques. Dans un premier temps, le déploiement d’unités militaires des forces groupées (Russie et Belarus) dans la zone rebelle pour isoler les terroristes. Puis, l’aviation et la défense aérienne mèneront des opérations de soutien des forces terrestres et bloqueront les lignes de ravitaillement des groupes armés illégaux. Une opération spéciale sera également menée pour éliminer les groupes armés et stabiliser la situation, puis un blocus naval sera réalisé par le flotte de la Baltique (base de Baltiisk-Kaliningrad) dans le but d’empêcher les terroristes de s’enfuir.
Dans le même temps, un certain nombre d’exercices tactiques anti-terroristes seront organisés avec les hommes du ministère de l’Intérieur, la garde nationale, le FSB et les services de secours. » a expliqué le Vice-ministre de la Défense russe et lieutenant général Alexander Fomin.
D’un point de vue interne, l’objectif pour les deux armées est de tester l’efficacité de la communication, de la collaboration et de l’organisation des armées, du commandement militaire en chef jusqu’aux troupes sur le terrain (troupes terrestres, aviation, marine et artillerie) sensés faire face à cette attaque terroriste simulée, main dans la main. Des exercices basés sur la communication et les méthodes de travail des deux commandements sont par ailleurs déjà menés depuis le mois de mars, toujours dans le cadre du « Zapad ».
Peurs et fantasmes
Une démonstration de l’armée russe en août dernier
« Depuis plusieurs mois, les médias de l’Ouest puis les politiciens ont tenté de créer un environnement négatif autour de cet événement en mettant l’opinion publique sous pression en amplifiant les allégations et rumeurs autours de cette sus-nommée « menace russe ». Ils ont suggéré les plus incroyables des scénarios, certains d’entre-eux estiment que cet exercice est la préparation d’une « tête de pont » pour une invasion de la Lituanie, de la Pologne et de l’Ukraine. Toutes ces allégations n’ont rien à voir avec la réalité. Ceci a été affirmé à plusieurs reprises par les responsables russes et biélorusses » a déclaré l’ambassade de Russie aux États-Unis début septembre. Il est vrai que l’exercice ne cesse de faire naître des inquiétudes et des fantasmes chez les voisins immédiats de ces deux pays. D’après ces pays, le « Zapad » serait un entraînement pour une future tentative d’isolement des pays baltes et les terroristes dont il est question dans le scénario russe correspondraient aux troupes de l’Otan.
La déstabilisation de la Russie par une intervention extérieure (notamment financière et américaine) fait partie des fantasmes les plus tenaces particulièrement intégrés par la société civile russe actuelle. Des fantasmes qui n’apparaissent pas sans raison, ils sont orchestrés et entretenus personnellement par Vladimir Poutine à travers ses discours et ses décisions politiques (par exemple avec les lois concernant les « agents de l’étranger »).
C’est sur ce risque, partiellement voire totalement fantasmé par les russes que se base cette démonstration ciblant clairement l’ouest, donc les troupes de l’Otan et leurs nombreuses manœuvres organisées dans la région.
La majorité des exercices auront lieu dans un pays imaginaire, la « Veyshnoria », ce qui correspond à la zone ouest-nord-ouest de la Biélorussie. L’autre partie conséquente sera organisée dans l’enclave de Kaliningrad coincée entre la Lituanie et la Pologne. Entre les deux, le passage de Suwalki, un point de crispation identifié et instrumentalisé par les acteurs de la zone depuis déjà plusieurs années. Ce passage long de 60 kilomètres représente une frontière pour la Russie, la Biélorussie, la Pologne, les pays baltes, l’Union Européenne et l’Otan. D’un point de vue militaire, il s’agit d’un point faible : dans le cas d’une tentative d’attaque ou de déstabilisation, les pays baltes et donc l’Otan seraient facilement et rapidement isolés (c’est d’ailleurs ce dont il est question dans l’exercice « Zapad »).
Par ailleurs, les pas de tir/polygones Pravdinksy côté russe (Kaliningrad) et Roujanski côté Bélarus situés aux extrémités du couloir font notamment partie des infrastructures militaires mises en alerte pour l’exercice.
Observateurs
Autres débat et rumeurs venus des pays voisins de l’exercice, le nombre de participants. Officiellement, environ 12 700 hommes participeront à l’exercice dont 7 200 soldats biélorusses et 5 500 soldats russes (la plus grosse partie de l’exercice se concentre sur le territoire biélorusse). 70 avions et hélicoptères, 680 véhicules et pièces d’artillerie (250 tanks, 200 armes de type mortiers et lance-roquettes multiples (Grad)) auxquels s’ajoutent une dizaine de navires positionnés à proximité de l’enclave de Kaliningrad. La Lituanie affirme que ce sont plus de 100 000 hommes qui participeront à l’exercice. Le débat avait déjà eu lieu lors du « Zapad 2013 », la Russie avait été accusée d’avoir utilisé beaucoup plus de soldats qu’annoncé pour son exercice
Mais dans les faits, si l’alliance Russie-Belarus peut effectivement déployer autant de troupes qu’elle le souhaite sur son territoire, elle le fait sous un œil plus ou moins attentif de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) dont des représentants ont été invités à assister à la phase finale de l’exercice. L’OSCE, dont la Russie est membre, impose des limites ainsi qu’une relative transparence à l’exercice. D’après le « Document de Vienne – 2011 », les pays qui souhaitent organiser des exercices militaires doivent inviter un certain nombres de représentants de l’organisation, et le nombre total de personnels impliqués ne doit pas dépasser les 40 000 hommes et 900 tanks ou 2 000 véhicules de combats amphibies ou 900 pièces d’artillerie. Face aux nombreuses rumeurs faisant état de la présence de 100 000 hommes au « Zapad 2017 », le ministère de la Défense russe a multiplié les déclarations ces derniers jours, assurant respecter le règlement imposé par l’OSCE.
Les représentants de l’OSCE ne seront pas les seuls à avoir un œil sur l’exercice. Le ministère de la Défense russe a déclaré fin juillet avoir envoyé des invitations pour observation aux membres de l’Organisation du traité de sécurité collectivequi unit la Russie, l’Arménie, la Biélorussie, le Kirghizstan, le Kazakhstan et le Tadjikistan (ОДКБ), l’Union économique eurasiatique (ЕАЭС), la Communauté des États indépendants (СНГ), l’OTAN et donc, l’OSCE. À ces observateurs s’ajoutent la présence des attachés militaires des chancelleries étrangères représentées à Moscou, invités à venir observer la phase finale de l’exercice en présence de Vladimir Poutine, lundi 18 septembre, sur le polygone de Luzhsky, dans la région de Saint-Pétersbourg.
Déjà échaudés par l’exercice « Joint sea 2017 » mené conjointement par la Russie avec la Chine, et lancé en août dans la mer Baltique (fin prévue mi-septembre), d’autres pays ont décidé de contrer la communication russe en organisant leur propre exercice militaire.
L’Ukraine a débuté le sien lundi en organisant des manœuvres impliquant quinze pays, dont les États-Unis. Cette démonstration est menée annuellement sur la base de Yavoriv (ouest de l’Ukraine) depuis le début du conflit dans l’Est du pays, en 2014. 2 500 hommes participeront à cet exercice nommé « Rapid Trident » et ce, jusqu’au 23 septembre.
Lundi 11 septembre, c’est la Suède qui a également lancé son exercice militaire, nommé « Aurora 17 » (voir photos). Cet exercice inédit qui mettra en alerte la moitié de l’armée suédoise, durera trois semaines et sera organisé en présence de soldats américains, français, danois, estoniens, lituaniens et finlandais. Le scénario de cet exercice représente une vraie réponse à celui de la Russie. 20 000 soldats vont simuler une « attaque de la Suède par un pays fictif venu de l’Est ». Cette attaque fictive se déroulera sur l’île de Gotland (mer Baltique) remilitarisée en vitesse durant ces derniers mois, par peur d’une tentative de déstabilisation russe. Une unité blindée américaine sera de la partie. Une vraie réponse de l’Otan (dont la Suède ne fait pas partie pour le moment), à l’alliance Russie-Bélarus.
Les chasseurs de miel sauvage du Bachkortostan (également appelé Bachkirie), petite république autonome de l’Oural, à 1 300 km à l’est de Moscou, déplorent des pertes inédites.
La technique de récolte du miel sauvage d’Alkham Issianamanov est ancestrale. Depuis des générations, les «bortevikis», ces chasseurs de miel bachkirs (peuple d’origine turc, vivant notamment en Bachkirie) entretiennent leurs ruches installées dans les troncs des pins et chênes de la taïga. Les abeilles sauvages qui s’y installent produisent un miel d’exception, l’un des meilleurs au monde. Il s’agirait même d’un des plus chers, vendu jusqu’à 3 500 roubles le kilo (plus de 50 €).
Mais cet été, ce miel pourrait ne pas faire son apparition. «Comme partout en Europe, la météo a été mauvaise, nos abeilles meurent par milliers» raconte Alkham Issianamanov, en s’apprêtant à ouvrir une ruche.
Ruches vides
Les apiculteurs du monde entier font face à une mortalité inédite des abeilles. Les changements de températures entraînent l’apparition de virus qui déciment les ruches ; l’usage de pesticides n’arrangeant rien. Dans les réserves naturelles du Bachkortostan, il faut également faire avec les ours bruns, capables de grimper aux arbres pour déguster le miel.
Son masque de protection enfilé, Alkham attrape une corde, l’installe autour de l’arbre, et grimpe le plus naturellement du monde jusqu’au sommet, à hauteur des ruches. À cinq mètres de hauteur, l’apiculteur ne prend même pas la peine de l’ouvrir : «Il n‘y a pas d‘abeilles» s’écrie-t-il, dépité. En attendant le soleil, les bortevikis nourrissent leurs abeilles de sucre.
«Cette année, les prix vont considérablement augmenter » promet Rishat Galeev, président de l’association des apiculteurs du Bachkortostan et entrepreneur dans le domaine.
«Nous souhaiterions profiter de la chute du cours du rouble pour commencer à vendre ce miel à l‘étranger, les chinois sont vraiment intéressés, mais nos apiculteurs ont perdu 40% de leurs ruches. Si le mauvais temps continue, la floraison des tilleuls tardera encore et la récolte sera vraiment catastrophique» prévient-il. Alkham, qui vit de ses cultures et de la vente de son miel, relativise la situation : «La culture du miel fonctionne par cycles, ça s‘arrangera dans les années à venir.»
Mais aujourd’hui, les jeunes quittent les villages isolés des bortevikis pour rejoindre les villes. Qui perpétuera cette culture ancestrale du miel ? Au Bachkortostan, les bortevikis pourraient disparaître avant les abeilles…