Auteur : Paul Gogo
Reportage dans la « ZAD » du nord russe
à 1200 km de Moscou, des russes vivent depuis un an dans un camp de fortune. Ils veulent empêcher la construction d’une décharge en pleine taïga. (Pour La Libre Belgique)
« Ici, on trouve du pétrole, du gaz, de l’or, du bois, on fait la richesse de Moscou et eux ils nous renvoient leurs déchets » s’emporte Anton, 33 ans, perché sur un tas de cailloux avec vue sur le chantier contesté de Shies, village abandonné situé à 1200 km au Nord de Moscou. En novembre 2018, des chasseurs découvrent par hasard l’existence de ce projet réalisé par le gouverneur de la région d’Arkhangelsk, financé par la mairie de Moscou. La population locale se mobilise instantanément. D’après l’institut de sondage Levada, 95% des russes de la région s’opposent au projet.
Depuis deux ans, la mairie de Moscou fait face à un dilemme sans précédent. La quasi totalité des décharges de ses banlieues sont pleines à craquer. La grogne monte et franchit un nouveau pallier le 21 mars 2018 lorsque 41 enfants sont hospitalisés intoxiqués par des gaz issus de la décharge de Volokolamsk (130 km à l’Ouest de Moscou). Le président russe s’empare alors du sujet en direct à la télévision. Une « solution » a été trouvée : envoyer les déchets le plus loin possible de la capitale. L’idée de construire une décharge à la frontière de la République des Komis, aux confins de la région d’Arkhangelsk naît alors en coulisse. Si le projet se réalise, les moscovites enverront plus de 500 000 tonnes de déchets par an en pleine taïga, soit quatre trains par jour.
Projet gelé
« Il fallait être sacrément idiot pour imaginer ce projet » s’emporte Nikolaï, 49 ans qui vient régulièrement passer quelques jours dans le camp des opposants. « La décharge polluera nos fleuves et la mer Blanche jusqu’à la mer de Barents. C’est aussi oublier que les gens d’ici sont liés à leur terre, ils l’ont toujours défendue, c’est celle de nos ancêtres et de nos petits-enfants » explique cet employé dans une usine à papier. Affublé d’un manteau chaud couleur treillis, mal rasé, le visage marqué, il tente de se réchauffer auprès d’un samovar. Cet hiver, la température pourra descendre en dessous des -30°. Pour l’instant, tous vivent les pieds dans la boue.
Le chantier est à l’arrêt depuis plusieurs mois, bloqué par les militants puis gelé par le président russe. Une quinzaine de personnes, souvent plus, vivent au quotidien devant l’entrée du chantier. Ils se relayent jour et nuit sur les talus qui surplombent la gare et l’héliport. « Nos postes construits dans les bois nous permettent de bloquer leur approvisionnement en carburant, ils ne peuvent faire venir le pétrole que par hélicoptère » explique Anton en s’appuyant sur un gros fauteuil posé en haut de son terril. Résultat, il n’y a plus d’ouvriers, seulement quelques policiers et vigiles présents sur le site.
Risque d’incendie
Il faut rouler plusieurs heures depuis la capitale de la République des Komis, Syktyvkar, traverser un fleuve et emprunter une voie de service du géant pétrogazier Gazprom en voiture accréditée pour accéder au chantier. Les deux derniers kilomètres se font à pied dans la boue en pleine forêt. Des employés de l’entreprise d’État transportent les opposants et soutiennent le mouvement. Car ce chantier réalisé au milieu de nulle-part s’avère plus dangereux qu’il n’en a l’air. Sept gazoducs passent à proximité, ils relient le Grand Nord aux gazoducs « Nord Stream » qui fournissent l’Europe en gaz. Les risques d’explosion, du déjà-vu, sont nombreux. D’autant plus que ce chantier est réalisé au milieu des bois, sur de la tourbe.
Une tente puis deux et désormais ce sont une cuisine, une cantine, des dortoirs et un feu pour le samovar qui ont été installés dans le camp, malgré l’interdiction et les contraventions des autorités. « On est fatigués mais on ne lâchera rien » lance Lioudmila, infirmière retraitée. « Ils ont bien tenté de nous acheter en finançant des chantiers dans les villes de la région mais on n’oublie pas cette expression soviétique : « On ne trouve le fromage gratuit que dans les pièges à souris ».
Petit à petit, la communauté s’agrandit et fait face à la grogne des autorités. Les forces de l’ordre ont tenté d’intervenir, en vain, puis des poursuites judiciaires sont apparues. Aujourd’hui, la police s’appuie sur des vigiles cagoulés présents sur place pour protéger le chantier. En mai dernier, 11 militants ont fini à l’hôpital suite à une bagarre générale entre agents de sécurité et opposants. « La police ne peut tout simplement pas intervenir en masse. Même s’ils faisaient arrêter un train au niveau du chantier, il serait impossible de loger, nourrir ces hommes » explique Elena Solovieva, journaliste indépendante qui couvre le conflit. Aidés par des politiciens locaux, les militants ont installé des paraboles et le wifi. En cas d’intervention des autorités, des centaines de personnes sont prêtes à gonfler les rangs des manifestants en quelques heures.
Dans le camp, drapeaux communiste et nationaliste se côtoient au milieu de ceux des paras, des écologistes… « Certains supportent Poutine, la majorité non. Nous ne parlons pas de politique si ce n’est du fonctionnement de notre communauté » explique Vladimir, 67 ans, ingénieur en automatisation dans une usine à papier. « Je ne faisais pas de politique mais nous n’avons plus le choix, c’est une question de dignité. Au début, en Russie on était euphoriques avec notre grande armée, mais on a vite compris que rien ne bougeait. On est finalement nombreux à être déçus par la politique de Poutine. On comprend que ça fait longtemps que le pouvoir s’est éloigné des gens, le royaume de Moscou ne peut pas comprendre qui nous sommes ». Elena Solovieva s’est penchée sur ce laboratoire politique. « Les gens en ont marre de l’absence de démocratie en Russie. Les manifestants se sont créés une expérience politique, ils ont réussi à faire en sorte que Vladimir Poutine parle de Shies. Puis ils ont créé leur communauté avec leurs règles. Ils veulent que la relation entre les gens, les régions et le pouvoir change, parlent d’un génocide des régions du Nord. Certains messages minoritaires mais symboliques apparaissent. Ces messages demandent la démission du Président ou parlent de séparatisme en République des Komis… La fracture est visible ».
Paul GOGO
Élections : L’analyse de notre correspondant Paul Gogo à Moscou
Intervention pour France 24 à propos des élections organisées dans toute la Russie le 8 septembre dernier.
Le défi russe du gazoduc européen Nord Stream 2
Publié en août 2019 dans l’Usine Nouvelle.
La construction du gazoduc Nord Stream 2 doit s’achever en fin d’année. C’est en Russie, à quelques kilomètres de la frontière estonienne qu’il plonge dans les eaux de la Baltique en traversant un parc naturel protégé. Un défi technique et environnemental pour les constructeurs.
« C’est assez simple à comprendre, vous partez de Saint-Pétersbourg, vous longez la côte, vous avez des kilomètres de banlieue, vous arrivez sur une centrale nucléaire, le port d’Oust-Louga puis la réserve naturelle Kurgalski qui s’étale jusqu’à la frontière estonienne. Il n’y avait pas d’autre emplacement possible« , explique, le doigt sur une carte, Raffaele Parisi, chef de projet de la base de départ russe du gazoduc « Nord Stream 2 ». Le gazoduc long de 1 200 km construit par le géant pétrogazier russe Gazprom à travers sa filiale suisse « Nord Stream 2 » débute sa route vers l’Allemagne par une traversée de 6,2 kilomètres d’une réserve naturelle sensible, dont 3,7 km sur terre.
« En 3,7 km vous traversez des marécages, une dune, une forêt et une plage, nous ne pouvions pas installer une base de chantier au milieu de tout ça« , précise Raffaele Parisi.
C’est donc à l’est de la forêt, au niveau de la zone d’insertion des pistons racleur instrumentés (PIG) qu’est installée la zone de travail. Ces pistons racleurs sont essentiels. Ils s’agit de cylindres remplis de capteurs régulièrement insérés dans le flux du gaz pour vérifier la santé des tuyaux du gazoduc.
Technique unique
Les soudures des tuyaux destinés à être enfouis dans les centaines de mètres de tranchées entre le rivage et le treuil sont réalisées à bord.
Les tuyaux de 12 mètres de long recouverts d’un revêtement de béton de 24 tonnes sont plongés uns à uns dans les basses eaux de la Baltique en direction de la terre. « Nous utilisons en quelque sorte la technique du ‘pipe-pulling’, les tuyaux sont progressivement tirés du bateau vers la terre par le treuil. Nous avons rempli les tranchées d’eau sur les 3,7 kilomètres pour limiter de 10% le poids des tuyaux et donc, parvenir à les tracter depuis le large ». Résultat : pas de grue, de poste de soudure ni de transport de tuyaux dans la zone protégée.
Cadences élevées
Côté terre, c’est une entreprise française, « Serimax » qui assure les soudures des tuyaux qui seront ensuite acheminés jusqu’au treuil. Cette entreprise basée en région parisienne a installé cinq stations de soudage à quelques mètres de l’enchevêtrement de tuyaux de la zone « PIG ».
« Cela fait 30 ans qu’on fait ça donc on a le rythme », sourit Nicolas, soudeur. Ce spécialiste travaille sur les chanfreins des deux lignes de tuyaux du gazoduc sur la moitié des 3,7 kilomètres qui séparent la station de compression et la mer. Le défi est de taille mais les soudeurs sont expérimentés. « Nous avons des soudures automatiques avec des chanfreins très serrés qui permettent de remplir avec une cadence et un taux de production particulièrement élevé. Nous avons une autre activité en parallèle où nous faisons de la préfabrication sur des chanfreins manuels, beaucoup plus ouverts à 30 degrés. De manière générale, ils sont plus longs et délicats à remplir ».
Derniers mois de chantier
Partout sur le chantier, les avertissements liés à la présence d’animaux sauvages sont nombreux. Grenouilles, biches, sangliers et même ours y vivent en toute liberté. Mais pas de quoi déconcentrer Nicolas en pleine inspection des soudures. « Nous sommes habitués à souder toutes sortes de diamètres et d’épaisseur mais ce tuyau est de nature très épaisse. Sur la ligne automatique, on travaille sur du 35mm d’épaisseur, 41 mm sur la ligne manuelle. 41mm d’épaisseur ça reste un joli défi », explique le professionnel.
À quelques mètres des Français, les ouvriers russes ont construit un grand coffrage traversé par le gazoduc. Il sera couvert de béton pour absorber les mouvements venus de la mer, et ainsi, éviter de fragiliser la partie « PIG » et la zone de compression du projet.
Ce gazoduc à 8,4 milliards d’euros divise les Européens et se construit sous la menace de sanctions américaines. Si tout se passe bien, il entrera en fonction d’ici 2020 et permettra d’envoyer chaque année 55 milliard de mètres cubes de gaz de l’Arctique vers l’Europe.
Paul GOGO
Elena, militante LGBT assassinée en Russie
Reportage publié dans Grazia en août 2019.
Le 20 juillet dernier, un passant découvrait le corps inanimé d’Elena Grigorieva dans une cour d’immeuble de Saint-Pétersbourg. Cette militante révoltée de 41 ans avait reçu de nombreuses menaces.
Les circonstances de ce meurtre demeurent floues, mais un homme de 29 ans a avoué avoir étouffé puis poignardé Elena Grigorieva, 41 ans à huit reprises, samedi 20 juillet dans la soirée. D’après les enquêteurs, la jeune femme participait à une soirée dans un appartement de la banlieue sud de Saint-Pétersbourg lorsqu’elle a rencontré cet homme, un inconnu pour elle. C’est en allant fumer une cigarette avec lui dans la cour de l’immeuble, en fin de soirée qu’une dispute aurait éclaté entre-eux, jusqu’à ce que l’homme sorte un couteau. C’est non loin de chez elle, dans cette cour aux frontières d’une enfilade sans fin de barres d’immeubles de béton et de quartiers gris de style soviétique que le corps d’Elena a été retrouvé, une dizaine d’heures après le meurtre, dans un buisson.
Originaire de Véliki Novgorod, Elena Grigorieva était une activiste chevronnée, connue de tous les militants de Saint-Pétersbourg critiques du pouvoir russe. Le parcours de cette femme brune toujours affublée de ses lunettes rondes et d’une veste en cuir n’est pas passé inaperçu lors de son arrivée en ville. D’abord militante nationaliste, la jeune femme a raconté à ses proches avoir été choquée par l’annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie en 2014 puis par le soutien apporté par l’armée russe aux séparatistes du Donbass. De quoi la convaincre de changer de camp et ainsi, rejoindre les « libéraux » russes, l’opposition. Elle n’aura jamais coupé ses liens avec ses anciens amis nationalistes qu’elle essaiera de rallier à ses causes. Cela lui vaudra ses premières menaces de mort que la police n’aura pas plus pris la peine d’étudier que sa plainte pour un viol…
Une femme de tous les combats
Il y a plus d’un an, la jeune femme annonce publiquement sa bisexualité faisant encore plus enrager ses ennemis. Le combat pour le respect des droits pour les LGBT lui devient alors essentiel. « Nous nous sommes rencontrées en avril dernier à l’occasion de la campagne « Jour de silence ». Des activistes de différents pays se couvraient la bouche pour attirer l’attention sur l’homophobie. Elena s’est faite arrêter par la police alors qu’elle n’avait rien fait d’illégal. Ça lui arrivait souvent » se remémore Vitali Bespalov, militant LGBT. L’opposante multiplie les actions contre la guerre, en solidarité avec des prisonniers politiques, soutient le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov emprisonné, les tatars de Crimée persécutés…
« Lena était gentille, réceptive, amusante, elle avait beaucoup d’amis mais aussi beaucoup d’ennemis » raconte Alexandre Mironov, un ami proche d’Elena. La militante se savait menacée, elle avait prévu de faire un double des clés de son appartement et de lui confier son chat, « Turner ». « Elle m’a accueilli quand je me suis retrouvé sans appartement, j’étais au chômage, elle aussi. Elle travaillait un peu au noir. Quand Lena a fait son « coming out », elle a reçu beaucoup de menaces, elle m’appelait pour en parler parfois » raconte Alexandre. Sur sa page Facebook, le militant appelle le monde entier à lui envoyer de l’argent pour soigner le chat qu’il a recueilli. Il tient à montrer des impressions d’écran de discussions entre Elena et certains de ses harceleurs. On y voit notamment une photo avec deux poignards et un commentaire d’un certain « Don Kotiano » « Qu’en penses-tu pédéraste, je vais te poignarder à fond ? ». Elena répond, provocante « je ne suis pas contre ! ».
«Pila » contre les LGBT
Souvent présentée comme la plus européenne des villes russes, Saint-Pétersbourg jouit d’un milieu militant particulièrement actif et productif. Lorsqu’en 2017 et fin 2018, des ONG ont dénoncé des purges contre les LGBT de Tchétchénie, c’est vers Saint-Pétersbourg que nombre d’entre-eux ont afflué, notamment soutenus par Igor Kotchetkov de l’ONG « réseau LGBT russe ». Cela n’empêche pas la banlieue de la ville d’être réputée dans toute la Russie pour abriter de nombreux nationalistes et néonazis.
Mi-juin, Kotchetkov s’est retrouvé en Une du site internet d’un réseau nationaliste homophobe « Pila contre les LGBT ». Le militant pour les droits des LGBT y apparaît à côté d’une corde et d’une bulle lui faisant déclarer « Oh, une corde, je pourrais me pendre avec ! ». Ces nationalistes demandent entre autre la fermeture des comptes en banque des LGBT russes, « l’obligation de soigner les LGBT », la fin des aides gouvernementales destinées aux séropositifs et menacent : « Nous vous avons préparé des cadeaux dangereux et cruels » suivi d’une liste de militants à viser. Elena Grigorieva y apparaît, Bespalov et Kotchetkov également… « Nous en avons discuté. Nous ne voulions pas avouer notre peur d’y apparaître, nous en avons rigolé » raconte Vitali Bespalov. « Je pense pour autant que cette liste n’est pas liée à son meurtre, ces gens ne font que parler. Mais ils peuvent inspirer des fous. Les enquêteurs parlent de « meurtre domestique ». Personne n’y croit dans le milieu militant de Saint-Pétersbourg, nous sommes tous convaincus que ce meurtre est lié à ses idées, son militantisme ».
Paul GOGO
En Russie, bataille pour une démographie positive
La Russie souffre d’une chute de sa population depuis les années 1990. A son arrivée au pouvoir en 2000, le président Poutine s’est juré de trouver une solution à ce problème. Mais la situation ne fait que se dégrader.
« La Russie perd sa population de manière catastrophique ». Cette déclaration de Tatiana Golikova, Vice-première ministre, en direct à la télévision russe a fait écho dans l’opinion publique tant il est rare que le Kremlin avoue ses faiblesses. « Ces quatre derniers mois, nous avons perdu 150 000 russes. La seule solution pour améliorer cette situation serait d’améliorer leur vie car les russes ne veulent pas d’enfants à cause de leur pauvreté. À cela s’ajoute le faible impact des milliards de roubles que nous allouons au système de santé » a-t-elle développé. Autre explication :…
La suite sur La Libre Belgique
Reportage dans l’hôpital où l’on soigne à 420 mètres de profondeur
Reportage réalisé en Biélorussie pour le magazine Neon (publié en avril-mai 2019).
Pour soigner votre asthme, vous pouvez prendre de la ventoline. Ou, comme notre journaliste, plonger dans une mine de sel à 420 mètres de profondeur, au fin fond de la Biélorussie.
« Que les choses soient claires ! Vous vivez comme un patient, vous ne sortez pas de l’hôpital, pas de cigarette, pas d’alcool », annonce d’un ton sec Pavel Levchenko, médecin-chef de l’hôpital spéléologique de Soligorsk, à 130 kilomètres au sud de Minsk, la capitale de la Biélorussie. Spéléologique ? Une partie de cette clinique d’un genre particulier est située dans une mine de sel, 420 mètres sous terre. Son air salin, pur et sain, permettrait d’y soigner l’asthme et les bronchites des gens. A condition d’y passer plusieurs heures chaque jour. Ça tombe bien : je suis un asthmatique chronique.
« En bas, en cas d’incendie, ouvrez ce boîtier et sortez le masque à oxygène. Le personnel vous évacuera le plus rapidement possible. »
Appuyé sur son bureau, les manches retroussées, Docteur Pavel continue sur le même ton : « Vous devez jouer le jeu et respecter les horaires de sommeil et de repas, c’est dans le règlement de l’établissement. » Car la clinique a beau être située en périphérie de Soligorsk, au bord d’un lac et au milieu d’une forêt de pins, il est hors de question de prendre cet établissement pour une colonie de vacances. Dans son dos, un portrait d’Alexandre Loukachenko, l’autocrate biélorusse à calvitie et moustache, est accroché au mur. Cet ancien agriculteur dirige la Biélorussie d’une main ferme depuis 1994. « C’est grâce à lui que cet hôpital existe », l’encense Pavel en pointant le dirigeant du doigt. Mon asthme lui dit merci. Je vais rejoindre la session de traitement en cours le lendemain matin, pour trois jours. Il est 10 heures et le monsieur sécurité de la mine m’attend dans son bureau, l’air grave. Il pose une grosse boîte grise devant lui. « En bas, en cas d’incendie, ouvrez ce boîtier et sortez le masque à oxygène. Le personnel équipé de lampes vous évacuera le plus rapidement possible. Mais pas d’inquiétude, nous n’avons jamais eu aucun incident dans la mine », assure-t-il. Pas le temps de discuter, mes camarades de soin attendent déjà sur le parking. Tous les jours à 13 heures, un bus les emmène jusqu’à la mine n° 1, à sept kilomètres de l’hôpital. Pour cette session, ils sont une soixantaine à avoir payé entre 320 et 400 euros pour passer onze jours dans la clinique et descendre dix fois, cinq heures durant, sous terre. La mine étant toujours en activité, notre bus traverse des groupes de gueules noires aux lampes collées au torse, de gigantesques terrils en arrière-plan. Le gisement serait le plus grand d’Europe, il s’étale sur 350 kilomètres carrés. Très puissante à Soligorsk, l’entreprise Belaruskali y exploite six mines de sel et transforme ses ressources en engrais vendu dans le monde entier. Depuis 1990, c’est aussi elle qui gère l’hôpital spéléologique.
Un autre monde s’ouvre à nous : un tunnel aux murs faits de strates rouges et blanches et un sol recouvert de sel.
Équipés de casques et de bleus de travail, nous entrons dans un grand hangar. Guenadi, la trentaine, a sorti son enceinte portable et il se charge de la BO de notre descente dans les entrailles de la terre. Adèle et Freddie Mercury font le voyage avec nous. Comme des parachutistes, nous entrons en ligne dans une cage métallique, plongés dans le noir. Nous sommes secoués par les frottements de notre caisse sur les parois du puits. Deux minutes plus tard, une lumière apparaît, des mineurs nous libèrent. Un autre monde s’ouvre à nous : un tunnel aux murs faits de strates rouges et blanches et un sol recouvert de sel. C’est le cadre de cette thérapie née en Europe de l’Est dans les années 1950, aujourd’hui répandue dans le monde entier.
Leur effet médical n’est pas réellement prouvé, mais le sel blanc et le sel rouge assainiraient et assécheraient l’air qui devient alors antibactérien et antiallergique. « Cette atmosphère calme l’asthme, soulage les symptômes des maladies pulmonaires et renforce le système immunitaire, m’explique un médecin. Dans un hôpital, il y a 300 à 500corps microbiens par mètre cube d’air. Ici, vous n’en trouverez que 140 environ. » Le traitement consiste essentiellement à respirer l’air de la mine. Mais pour stimuler tout cela, les patients sont poussés à réaliser des activités physiques. « Du foot, du volley, du badminton, du ping-pong, du billard, de la gym, de la marche nordique… On peut également regarder la télé, à condition d’avoir les films sur clé USB. » Car sous terre, pas de téléphone ni de chaînes de télévision. Un grand couloir fait le tour du complexe sur plus de 400 mètres. Creusées de façon perpendiculaire, d’autres galeries mènent à de petites entailles : nos chambres attitrées, six lits séparés du couloir par des petits rideaux. J’ai à peine le temps de m’installer. Alors qu’un cours de gym improvisé se termine, les lumières des chambres s’éteignent. Sieste obligatoire durant une heure trente. Il fait froid, la température est maintenue à 16 °C. « On ne fait plus de bruit et on se couche ! » crie une infirmière. On entend encore quelques personnes tousser, des bruits sourds résonnent, les courants d’air sont costauds, mais le froid finit par m’endormir.
J’ai froid, j’ai les lèvres complètement desséchées, mais j’ai la sensation de respirer comme à la montagne.
16 h 35, le réveil est violent sous la lumière blanche des néons. J’ai froid, j’ai les lèvres complètement desséchées, mais j’ai la sensation de respirer comme à la montagne. Vladimir, 38ans, s’arrête devant la chambre qui m’a été octroyée et me donne rendez-vous au numéro 18, deuxième tunnel à droite. Venu de Minsk, il a laissé femme et enfants pour passer dix jours à Soligorsk. « Il y a troisans, mon médecin m’a diagnostiqué une bronchite asthmatique chronique », confie-t-il. Son nez rouge coule en permanence à cause d’une allergie. « Ce n’est que ma deuxième descente, mais je me sens mieux depuis que je suis là. » Il me tend le bouchon de sa Thermos emplie de thé à la bergamote. Employé de bureau, c’est son travail précédent qui l’a rendu malade. « J’ai longtemps bossé dans des usines métallurgiques, dans la région de Gomel, en Biélorussie, mais aussi en Russie, du côté de Magnitogorsk. J’ai passé ma carrière à avaler de la poussière. » Son traitement est en partie remboursé par l’Etat. « Je pourrais me contenter d’un traitement normal avec des médicaments, mais tout le monde me dit que la mine, ça marche. »
Le temps passe vite sous terre. Je rejoins un groupe de quinquagénaires en pleine partie de volley-ball. La présence d’un Français dans la mine n’a échappé à personne, tout le monde me veut dans son équipe. Les échanges s’enchaînent, on adapte les règles au lieu, exigu. Il n’y a qu’1,50mètre entre le filet et le plafond. « On continue même quand la balle touche les murs, sinon on ne joue jamais », m’indique l’un d’entre eux. Viktor, un employé d’usine, tape un peu fort dans le plafond, quelques cailloux dégringolent. Les autres rigolent : « T’es gentil, mais ça fait deux fois, on aimerait bien rentrer vivants ce soir ! »
Un courant d’air traverse la mine, ce sont des patients venus passer la nuit sous terre qui sont en approche.
Il est déjà l’heure de conclure cette première séance spéléologique. Nous attendons quelques minutes au fond du puits avant de remonter. Un courant d’air traverse la mine, ce sont des patients venus passer la nuit sous terre qui sont en approche. De retour à l’hôpital, le couvre-feu est de rigueur. A 22heures, une infirmière vient s’assurer que je suis prêt à dormir.
Ma deuxième journée commence par une piqûre. « Vous allez faire une prise de sang et passer un électrocardiogramme, c’est obligatoire, nos patients doivent être en pleine forme », justifie l’infirmière. Guenadi est déjà sur le parking. « La descente ? C’est une formalité », se vante-t-il, avant de se lancer dans une série de blagues. Aujourd’hui, dans la mine, c’est Sergueï, 50ans, qui partage ma chambre. Lui aussi est asthmatique. Sergueï travaille à Minsk dans un institut chargé de contrôler l’air de ce genre de lieu. « Cette mine est unique de par la composition de son sel », m’affirme-t-il. A l’Est et même en France, de nombreux instituts proposent des « grottes de sel » à leurs patients. Il s’agit de pièces remplies du minéral dont l’air a été assaini. Les personnes y passent des heures dans des transats. « On teste l’acidité des lieux, la qualité de l’air, de la roche. Certaines de ces mines ou de ces salles de spéléothérapie ne sont pas super efficaces. Celle-ci a une efficacité plus évidente. Il faut juste y venir plusieurs fois pour en ressentir les effets. »
Impossible de profiter du silence du lieu, les infirmières diffusent de la pop russe dans des haut-parleurs.
A l’extérieur de notre chambre, des grands-mères enchaînent les tours de mine, bâtons de marche en main. Même coupé du monde, impossible de profiter du silence du lieu car les infirmières diffusent de la pop russe dans des haut-parleurs. Alors que le cours de gym débute, Vladimir vient me proposer son thé d’après sieste. Le rideau de sa chambre fermé, il se confie : « Je m’ennuie un peu, ça me rappelle quand je bossais dans l’Oural, je vivais en dortoir avec un Allemand et un Italien. Sauf qu’on sortait dans des clubs de strip-tease. Là, on ne peut pas sortir. Hier, j’ai regardé un film avec mon voisin de chambre, puis on s’est couchés. » Envieux, il glisse : « J’ai entendu dire qu’il y a une chambre dans laquelle huit personnes ont fait une soirée hier… » Son coloc, un Russe originaire du Caucase, passe boire un thé : « Personne ne nous entend ici, on peut parler politique ! Poutine est un salaud, c’est un chef de gang », lance-t-il. Vladimir ne porte pas non plus son président dans son cœur : « En Russie, il y a des poupées russes avec les têtes des différents présidents du pays. Vous ouvrez et vous trouvez Poutine, Medvedev, Eltsine, Gorbatchev… En Biélorussie, il n’y en a qu’une : Loukachenko ! »
Le lendemain matin, ce sont d’ailleurs les autorités biélorusses qui me sortiront de mon trou. Rendez-vous au commissariat de police de la ville pour m’enregistrer. Pour les étrangers, c’est obligatoire. Une vieille femme noyée dans ses papiers et un policier en uniforme me cuisinent d’un air inquisiteur… Puis me laissent replonger dans les profondeurs. C’est mon dernier jour sous terre. Des mamies qui me saluaient quotidiennement dans les couloirs de l’hôpital tiennent à m’inviter. « On a tout comme à la maison, du thé, des biscuits, et même un barbecue, enfin… des chips goût barbecue », s’amuse Natacha, 67 ans, en sortant sa Thermos. Ses deux nouvelles copines, Irina et Svetlana, prennent des photos tandis que Natacha me montre des images de sa maison de campagne. « La première fois que je suis descendue dans la mine, j’ai eu peur, j’ai eu des vertiges. Mais maintenant, je trouve ça super ! » La petite bande fait des kilomètres de marche tous les jours. L’occasion de papoter. « C’est important de faire des efforts, ça fait partie du traitement. C’est ma deuxième fois ici, et je n’utilise déjà plus d’inhalateur, je ne prends plus de médicaments », se réjouit-elle. Derrière la tenture de leur chambre, on prépare déjà la sortie. Le lendemain matin, les médecins m’autorisent à quitter l’hôpital. Ma toux asthmatique, disparue au début de mon reportage, réapparaît à la surface. Magique.
Maintien de l’ordre. Pourquoi il ne faut pas comparer la France et la Russie? (Post de blog)


Scène de violence il y a 15mins dans le centre de Moscou pic.twitter.com/wpHlbWC4zV
— Paul Gogo (@Paugog) June 12, 2019



à Moscou, il se bat seul contre le réchauffement climatique
Arshak Makichyan a souhaité rejoindre la jeune suédoise Greta Thunberg dans son combat contre le réchauffement climatique. Mais protester n’est pas chose aisée en Russie, cet étudiant manifeste tous les semaines seul.
« C’est difficile mais je serai là tous les vendredis » assure Arshak Makichyan, 24 ans, étudiant violoniste au conservatoire de Moscou. Tous les vendredis depuis 9 semaines, il se plante devant la statue d’Alexandre Pouchkine dans le centre de Moscou avec une pancarte appelant à agir contre les changements climatiques. « Le réchauffement climatique c’est la famine, la guerre, la mort » est-il écrit sur son panneau. Un message plutôt neutre, mais qui suffit à agacer certains passants. « Quelqu’un vient tout juste de m’expliquer que le réchauffement climatique est une invention des scientifiques » s’amuse-t-il. Arshak manifeste seul, la police le contrôle, des passants le photographient ou tentent parfois de le provoquer. Les « piquets solitaires » sont les seules protestations tolérées par les autorités sans autorisations préalables en Russie. « Je demande à mes amis de ne pas manifester avec moi, de le faire sur internet ou dans d’autres quartiers. A deux sur cette place, la police nous embarquerait ». Le jeune violoniste a longtemps hésité avant de manifester. Il a observé les rassemblements de l’opposition russe et leurs conséquences, « des jeunes exclus de leurs écoles, emprisonnés ou frappés dans les commissariats pour s’être opposés à Poutine ». Sa plus grande peur : se faire arrêter et casser un bras par la police à deux mois de son examen final de violon.
Climato-scepticisme
C’est encouragé par Greta Thunberg et motivé par la participation à sa première manifestation écologiste en mars dernier qu’il s’est lancé dans ses « piquets solitaires », régulièrement félicité par la jeune suédoise en personne via les réseaux sociaux. « Cela fait longtemps que j’essaie de changer mes habitudes. Je milite pour l’interdiction du plastique, la création d’un système de recyclage des déchets à Moscou… J’ai honte de voir les moscovites, riches, consommer autant alors que le reste de la Russie est inondé par nos déchets » explique-t-il.
Depuis mars 2018, de nombreuses villes de la banlieue de Moscou réclament la fermeture de décharges. En réponse, les autorités ont multiplié les arrestations dans la population puis décidé d’envoyer une partie des déchets de la capitale de 12 millions d’habitants dans la région d’Arkhangelsk (1000 km au nord de Moscou). Seul 4% des déchets sont recyclés en Russie contre plus de 80% en Belgique.
Avenir inquiétant
En septembre dernier, le ministère de l’écologie russe s’inquiétait dans un rapport des conséquences du réchauffement climatique sur le territoire russe. Le réchauffement climatique est deux fois plus important en Russie que dans la plupart des autres pays du monde, le nombre de décès liés à des catastrophes environnementales aurait été multiplié par onze en Russie entre 2016 et 2017. Toujours d’après ce rapport, Moscou pourrait subir d’importantes vagues de chaleur dans les années à venir, les régions pourraient subir une contamination de leur eau du robinet tandis que les déraillements de train pourraient se multiplier à cause de la déformation des rails dans le sud de la Russie. Le rapport alerte également sur la fonte du permafrost (sol gelé toute l’année) dans l’Arctique, qui pourrait mener à la dispersion de substances chimiques, biologiques et radioactives dans l’air et sur le risque d’incendies de grande ampleur dans les forêts de Sibérie…
Vladimir Poutine écolo ?
Il n’est pas évident de parler écologie en Russie, le sujet n’est quasiment jamais abordé dans la presse russe. « C’est un peu comme à l’époque, quand la presse soviétique nous cachait la catastrophe de Tchernobyl » ironise Arshak. Il en est convaincu, « la majorité des russes sont climato-sceptiques ». Il faut dire que les voix politiques manquent de clarté. Le président russe alterne régulièrement discours écologistes et climato-sceptiques. En mars 2017, Vladimir Poutine assurait que les changements climatiques n’étaient pas liés aux actions de l’humain. En mars dernier, il affirmait lors d’un forum sur l’Arctique que la priorité de la Russie, présidente du conseil de l’Arctique en 2021 serait de « promouvoir les technologies de protection de l’environnement ».
« Il adapte son discours, ça ne l’empêche pas d’exploiter toujours plus de gaz dans l’Arctique » dénonce le violoniste. Prochaine étape pour le jeune activiste : « Organiser une grande manifestation pour le climat, autorisée par les autorités, à Moscou. On sera sûrement mis au fond d’un parc mais cette fois-ci les jeunes n’auront pas peur de participer » espère-t-il.
Paul GOGO
à Moscou, où se préparent les (longs) voyages spatiaux
La Libre Belgique
Six russes et américains se sont enfermés la semaine dernière dans une station spatiale factice. L’objectif : Se préparer aux voyages longs dans l’espace, destination Mars et la Lune.
Ils sont jeunes et ambitieux, trois femmes, trois hommes, deux américains et quatre russes, ils vivront enfermés dans un espace confiné ces quatre prochains mois. Il ne s’agit pas d’une émission de télé-réalité de mauvais goût mais d’une expérience scientifique qui pourraient mener ces six personnes jusqu’aux tréfonds de l’espace. Cette expérience du projet « Sirius » est réalisée conjointement entre la Nasa et l’Institut pour les problèmes biomédicaux russe. L’objectif est simple : Il s’agit d’étudier la résistance physique et psychologique de l’homme en vue de longs vols spatiaux. Car si la technologie évolue et, selon les spécialistes du domaine, devrait permettre de réaliser des vols longs dans l’espace d’ici 10 à 15 ans, les scientifiques n’ont pas encore fait le tour des difficultés mentales, psychologiques et physiques que de tels voyagent entraîneront.
Le projet Sirius s’inscrit dans une flopée de programmes de recherches liés à la conquête de l’espace. Mais avec l’annonce récente par la Russie et les USA de leur volonté de créer une station en orbite doublée de modules disposés sur Mars et les ambitions de conquête de la Lune par la Chine, ces recherches sur les vols longs deviennent prioritaires pour les agences spatiales du monde entier.
D’ici la fin de la mission Sirius, en 2022, deux autres expériences de « huis clos » de 6 mois et d’un an seront organisées avec un scénario semblable à celui imaginé par les les agences spatiales engagées dans cette course de l’espace. Les séquences d’enfermement de Sirius reposent sur un scénario crédible. Il s’agit pour l’équipe de simuler un voyage de dix jours puis la vie dans une station spatiale en orbite autour de la Lune. Soit une centaine de jours « en orbite » pour l’expérience actuelle et 80 expériences à mener en plus des tests médicaux réalisés quotidiennement. Américains, chinois et russes ont déjà pensé les constructions de bases sur la Lune ou Mars en les réalisant depuis une station placée en orbite. Avec pour objectif, à terme, de pouvoir envoyer des hommes vivre sur ces planètes sur plusieurs jours, le temps d’y réaliser quelques expériences.
« L’objectif est de garder l’équipe motivée durant la mission et d’observer l’effet des différences de cultures et de genres qui font la force de notre « expédition » » explique Evgueni Tarelkine, 43 ans, responsable de la mission. Ce cosmonaute russe a déjà passé 143 jours dans l’espace, en 2012, au sein de la station spatiale internationale. Il fait partie des six compères enfermés, engagés à réaliser plus de 80 expériences destinées, entre autre à observer l’évolution de la santé et des performances de l’équipe, sa susceptibilité au stress, la capacité à multiplier les taches avec des partenaires différents mais également à créer une équipe capable de travailler en autonomie et de déterminer à quel point les différences culturelles et de genre peuvent poser problème.
Stress psychologique
Cette fausse station spatiale est faite de trois grands tubes installés dans un hangar de l’institut des problèmes biomédicaux russe, en banlieue de Moscou. Fermé par un sceau de cire, la porte de cette réplique de métal et de bois de station spatiale ne sera rouverte que début juillet. « La date exacte n’est pas encore connue, il n’est pas impossible que nous les mettions à l’épreuve psychologiquement en décalant la fin de l’expérience de quelques jours au dernier moment » explique Oleg Orlov directeur de l’institut en charge de l’expérience.
« Les difficultés sont nombreuses, il faut faire face aux problèmes techniques mais il faut aussi être capable d’apporter une aide morale aux collègues, nous allons faire face à des stress psychologiques forts qui ne doivent pas nous empêcher de rester bons et solidaires dans notre travail » explique Stefania Fediaї, 28 ans, docteur psychiatre. L’équipe se distingue des équipes classiques de cosmonautes par sa jeunesse. Car pour les agences spatiales comme pour ces jeunes surdoués, cette expérience est un vrai pari sur l’avenir. « Nous sommes quasi certains que ce genre de missions pourront être réalisées d’ici 10 à 15 ans. Nous espérons un jour en faire partie! » Explique Anastasia Stepanova, ingénieure russe.
« Personnellement, c’est le manque d’eau chaude, d’internet et le fait de devoir faire du sport en étant dans un espace réduit pendant quatre mois qui m’inquiète le plus » confie Stefania Fediaї. Pendant quatre mois, le réalisme de la mission sera poussé jusqu’au rationnement de la nourriture distribuée tous les 30 jours comme délivrée par une capsule envoyée par la terre. Pour ce qui est de la communication avec l’extérieur, ou la terre donc, elle n’aura lieu que quelques minutes par jour avec 5 minutes de battement entre chaque échange.
Ce n’est pas tous les jours que l’on voit américains et russes enfermés quatre mois durant dans une même pièce, à Moscou. Mais l’espace semble résister aux tribulations géopolitiques qui animent les deux pays. « Nos deux agences semblent prêtes à travailler ensemble. On ne sait pas encore quelle collaboration nous mènera aussi loin dans l’espace mais elle sera forcément internationale et certainement avec la Russie. L’espace et le confinement créaient une sensation de camaraderie qui passe au dessus de tout ça » assure l’américain Reinhold Povilaitis, 30 ans, chercheur dans le domaine de l’orbite lunaire, lui aussi de la mission.
Paul GOGO