Reportage dans la « ZAD » du nord russe

à 1200 km de Moscou, des russes vivent depuis un an dans un camp de fortune. Ils veulent empêcher la construction d’une décharge en pleine taïga. (Pour La Libre Belgique)

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« Ici, on trouve du pétrole, du gaz, de l’or, du bois, on fait la richesse de Moscou et eux ils nous renvoient leurs déchets » s’emporte Anton, 33 ans, perché sur un tas de cailloux avec vue sur le chantier contesté de Shies, village abandonné situé à 1200 km au Nord de Moscou. En novembre 2018, des chasseurs découvrent par hasard l’existence de ce projet réalisé par le gouverneur de la région d’Arkhangelsk, financé par la mairie de Moscou. La population locale se mobilise instantanément. D’après l’institut de sondage Levada, 95% des russes de la région s’opposent au projet.

Depuis deux ans, la mairie de Moscou fait face à un dilemme sans précédent. La quasi totalité des décharges de ses banlieues sont pleines à craquer. La grogne monte et franchit un nouveau pallier le 21 mars 2018 lorsque 41 enfants sont hospitalisés intoxiqués par des gaz issus de la décharge de Volokolamsk (130 km à l’Ouest de Moscou). Le président russe s’empare alors du sujet en direct à la télévision. Une « solution » a été trouvée : envoyer les déchets le plus loin possible de la capitale. L’idée de construire une décharge à la frontière de la République des Komis, aux confins de la région d’Arkhangelsk naît alors en coulisse. Si le projet se réalise, les moscovites enverront plus de 500 000 tonnes de déchets par an en pleine taïga, soit quatre trains par jour.

Projet gelé

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« Il fallait être sacrément idiot pour imaginer ce projet » s’emporte Nikolaï, 49 ans qui vient régulièrement passer quelques jours dans le camp des opposants. « La décharge polluera nos fleuves et la mer Blanche jusqu’à la mer de Barents. C’est aussi oublier que les gens d’ici sont liés à leur terre, ils l’ont toujours défendue, c’est celle de nos ancêtres et de nos petits-enfants » explique cet employé dans une usine à papier. Affublé d’un manteau chaud couleur treillis, mal rasé, le visage marqué, il tente de se réchauffer auprès d’un samovar. Cet hiver, la température pourra descendre en dessous des -30°. Pour l’instant, tous vivent les pieds dans la boue.

Le chantier est à l’arrêt depuis plusieurs mois, bloqué par les militants puis gelé par le président russe. Une quinzaine de personnes, souvent plus, vivent au quotidien devant l’entrée du chantier. Ils se relayent jour et nuit sur les talus qui surplombent la gare et l’héliport. « Nos postes construits dans les bois nous permettent de bloquer leur approvisionnement en carburant, ils ne peuvent faire venir le pétrole que par hélicoptère » explique Anton en s’appuyant sur un gros fauteuil posé en haut de son terril. Résultat, il n’y a plus d’ouvriers, seulement quelques policiers et vigiles présents sur le site.

Risque d’incendie

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Il faut rouler plusieurs heures depuis la capitale de la République des Komis, Syktyvkar, traverser un fleuve et emprunter une voie de service du géant pétrogazier Gazprom en voiture accréditée pour accéder au chantier. Les deux derniers kilomètres se font à pied dans la boue en pleine forêt. Des employés de l’entreprise d’État transportent les opposants et soutiennent le mouvement. Car ce chantier réalisé au milieu de nulle-part s’avère plus dangereux qu’il n’en a l’air. Sept gazoducs passent à proximité, ils relient le Grand Nord aux gazoducs « Nord Stream » qui fournissent l’Europe en gaz. Les risques d’explosion, du déjà-vu, sont nombreux. D’autant plus que ce chantier est réalisé au milieu des bois, sur de la tourbe.

Une tente puis deux et désormais ce sont une cuisine, une cantine, des dortoirs et un feu pour le samovar qui ont été installés dans le camp, malgré l’interdiction et les contraventions des autorités. « On est fatigués mais on ne lâchera rien » lance Lioudmila, infirmière retraitée. « Ils ont bien tenté de nous acheter en finançant des chantiers dans les villes de la région mais on n’oublie pas cette expression soviétique : « On ne trouve le fromage gratuit que dans les pièges à souris ».

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Petit à petit, la communauté s’agrandit et fait face à la grogne des autorités. Les forces de l’ordre ont tenté d’intervenir, en vain, puis des poursuites judiciaires sont apparues. Aujourd’hui, la police s’appuie sur des vigiles cagoulés présents sur place pour protéger le chantier. En mai dernier, 11 militants ont fini à l’hôpital suite à une bagarre générale entre agents de sécurité et opposants. « La police ne peut tout simplement pas intervenir en masse. Même s’ils faisaient arrêter un train au niveau du chantier, il serait impossible de loger, nourrir ces hommes » explique Elena Solovieva, journaliste indépendante qui couvre le conflit. Aidés par des politiciens locaux, les militants ont installé des paraboles et le wifi. En cas d’intervention des autorités, des centaines de personnes sont prêtes à gonfler les rangs des manifestants en quelques heures.

Dans le camp, drapeaux communiste et nationaliste se côtoient au milieu de ceux des paras, des écologistes… « Certains supportent Poutine, la majorité non. Nous ne parlons pas de politique si ce n’est du fonctionnement de notre communauté » explique Vladimir, 67 ans, ingénieur en automatisation dans une usine à papier. « Je ne faisais pas de politique mais nous n’avons plus le choix, c’est une question de dignité. Au début, en Russie on était euphoriques avec notre grande armée, mais on a vite compris que rien ne bougeait. On est finalement nombreux à être déçus par la politique de Poutine. On comprend que ça fait longtemps que le pouvoir s’est éloigné des gens, le royaume de Moscou ne peut pas comprendre qui nous sommes ». Elena Solovieva s’est penchée sur ce laboratoire politique. « Les gens en ont marre de l’absence de démocratie en Russie. Les manifestants se sont créés une expérience politique, ils ont réussi à faire en sorte que Vladimir Poutine parle de Shies. Puis ils ont créé leur communauté avec leurs règles. Ils veulent que la relation entre les gens, les régions et le pouvoir change, parlent d’un génocide des régions du Nord. Certains messages minoritaires mais symboliques apparaissent. Ces messages demandent la démission du Président ou parlent de séparatisme en République des Komis… La fracture est visible ».

Paul GOGO

Le défi russe du gazoduc européen Nord Stream 2

Publié en août 2019 dans l’Usine Nouvelle.

 

La construction du gazoduc Nord Stream 2 doit s’achever en fin d’année. C’est en Russie, à quelques kilomètres de la frontière estonienne qu’il plonge dans les eaux de la Baltique en traversant un parc naturel protégé. Un défi technique et environnemental pour les constructeurs.

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« C’est assez simple à comprendre, vous partez de Saint-Pétersbourg, vous longez la côte, vous avez des kilomètres de banlieue, vous arrivez sur une centrale nucléaire, le port d’Oust-Louga puis la réserve naturelle Kurgalski qui s’étale jusqu’à la frontière estonienne. Il n’y avait pas d’autre emplacement possible« , explique, le doigt sur une carte, Raffaele Parisi, chef de projet de la base de départ russe du gazoduc « Nord Stream 2 ». Le gazoduc long de 1 200 km construit par le géant pétrogazier russe Gazprom à travers sa filiale suisse « Nord Stream 2 » débute sa route vers l’Allemagne par une traversée de 6,2 kilomètres d’une réserve naturelle sensible, dont 3,7 km sur terre.

« En 3,7 km vous traversez des marécages, une dune, une forêt et une plage, nous ne pouvions pas installer une base de chantier au milieu de tout ça« , précise Raffaele Parisi.

C’est donc à l’est de la forêt, au niveau de la zone d’insertion des pistons racleur instrumentés (PIG) qu’est installée la zone de travail. Ces pistons racleurs sont essentiels. Ils s’agit de cylindres remplis de capteurs régulièrement insérés dans le flux du gaz pour vérifier la santé des tuyaux du gazoduc.

Technique unique

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Les soudures des tuyaux destinés à être enfouis dans les centaines de mètres de tranchées entre le rivage et le treuil sont réalisées à bord.

Les tuyaux de 12 mètres de long recouverts d’un revêtement de béton de 24 tonnes sont plongés uns à uns dans les basses eaux de la Baltique en direction de la terre. « Nous utilisons en quelque sorte la technique du ‘pipe-pulling’, les tuyaux sont progressivement tirés du bateau vers la terre par le treuil. Nous avons rempli les tranchées d’eau sur les 3,7 kilomètres pour limiter de 10% le poids des tuyaux et donc, parvenir à les tracter depuis le large ». Résultat : pas de grue, de poste de soudure ni de transport de tuyaux dans la zone protégée.

Cadences élevées

Côté terre, c’est une entreprise française, « Serimax » qui assure les soudures des tuyaux qui seront ensuite acheminés jusqu’au treuil. Cette entreprise basée en région parisienne a installé cinq stations de soudage à quelques mètres de l’enchevêtrement de tuyaux de la zone « PIG ».

« Cela fait 30 ans qu’on fait ça donc on a le rythme », sourit Nicolas, soudeur. Ce spécialiste travaille sur les chanfreins des deux lignes de tuyaux du gazoduc sur la moitié des 3,7 kilomètres qui séparent la station de compression et la mer. Le défi est de taille mais les soudeurs sont expérimentés. « Nous avons des soudures automatiques avec des chanfreins très serrés qui permettent de remplir avec une cadence et un taux de production particulièrement élevé. Nous avons une autre activité en parallèle où nous faisons de la préfabrication sur des chanfreins manuels, beaucoup plus ouverts à 30 degrés. De manière générale, ils sont plus longs et délicats à remplir ».

Derniers mois de chantier

Partout sur le chantier, les avertissements liés à la présence d’animaux sauvages sont nombreux. Grenouilles, biches, sangliers et même ours y vivent en toute liberté. Mais pas de quoi déconcentrer Nicolas en pleine inspection des soudures. « Nous sommes habitués à souder toutes sortes de diamètres et d’épaisseur mais ce tuyau est de nature très épaisse. Sur la ligne automatique, on travaille sur du 35mm d’épaisseur, 41 mm sur la ligne manuelle. 41mm d’épaisseur ça reste un joli défi », explique le professionnel.

À quelques mètres des Français, les ouvriers russes ont construit un grand coffrage traversé par le gazoduc. Il sera couvert de béton pour absorber les mouvements venus de la mer, et ainsi, éviter de fragiliser la partie « PIG » et la zone de compression du projet.

Ce gazoduc à 8,4 milliards d’euros divise les Européens et se construit sous la menace de sanctions américaines. Si tout se passe bien, il entrera en fonction d’ici 2020 et permettra d’envoyer chaque année 55 milliard de mètres cubes de gaz de l’Arctique vers l’Europe.

Paul GOGO

 

Maintien de l’ordre. Pourquoi il ne faut pas comparer la France et la Russie? (Post de blog)

Je reprends ici le développement que j’ai tenu, il y a quelques jours sur mon compte Twitter. Ce « Thread » intitulé « Pourquoi ça n’a aucun sens de comparer manifs russes et françaises ? » a beaucoup fait réagir et a rapidement fait office d’argument pour les militants en tout genre. Soutiens du président russe, gilets jaunes, militants engagés dans la défense des droits des manifestants en France et soutiens du président français.
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Avec les gilets jaunes, la France a vécu des manifestations d’une forme inédite. Sociales, populaires, politisées, radicales dictées par les réseaux sociaux et leur désinformation, spontanées et violentes sans préparation ni, pour ce qui concerne les grandes manifestations, concertations avec la police et notamment, leurs fameux officiers de liaison.
Il ne s’agit pas de relativiser les conséquences de cette situation : attaques inédites contre les journalistes, mutilations des manifestants, usage d’armes inadaptées, nombreuses « bavures », mais de faire la part des choses, de nuancer.
La situation française et la situation russe sont incomparables, voici pourquoi :
Le fait que les gilets jaunes aient la possibilité de manifester (de détruire et de taper sur la police) dans le centre de Paris, c’est déjà 1000 fois plus que ce que peut faire un russe lambda. Ici, il n’y a qu’une forme de manifestation autorisée : Le « piquet solitaire ».
Ces manifestations qui d’après la loi russe peuvent être réalisées sans autorisation mènent toutefois, régulièrement à des interpellations.
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Piquet solitaire en soutien à Ivan Golounov à Saint-Pétersbourg
Le concept est une vraie science qui surprendrait les gilets jaunes : une seule personne peut manifester à la fois, il doit y avoir 50 m entre chaque manifestant, la pancarte doit être pliée avant d’être transmise au suivant sinon c’est une manifestation non autorisée à deux personnes. Conséquence : arrestation immédiate. Le message inscrit sur la pancarte doit être assez modéré aux yeux de la police pour ne pas avoir de problème.
La police rode autour des manifestants qui sont filmés et systématiquement contrôlés et procède immédiatement aux interpellations si l’une de ces règles est violée. L’usage de « provocators » est également récurent. Des hommes qui viennent se positionner à côté d’un manifestant pour entraîner des arrestations par exemple.
Dans cette vidéo publiée sur Twitter le 12 juin, j’ai parlé de violence durant la manifestation en soutien au journaliste Ivan Golounov arrêté le 6 juin, frappé par la police et accusé de trafic de drogue, puis libéré sur ordre du Kremlin après avoir reçu un soutien sans précédent de la société civile et des médias russes.
Alors pourquoi parler de violence si personne n’est éborgné durant les manifestations russes ? Parce que la violence est ici symbolique avant d’être physique. Le maintien de l’ordre à la russe repose sur deux particularités : la peur de la police (autant dire que les gilets jaunes sont plutôt détendus sur le sujet) et le nombre. A Moscou, une armée est mobilisée pour le moindre rassemblement. La peur de la police est historique, culturelle et bien réelle. En manifestation, rien ne vole, on ne touche pas à la police et on respecte les ordres. Il y a également le FSB et le « centre E » de « lutte contre l’extrémisme » qui agissent parfois de façon encore plus « sombre » pour calmer, impressionner et « faire passer des messages » aux militants les plus actifs.
La police joue sur cette peur pour écraser les russes.
En Russie, l’issue des manifestations est directement liée aux consignes données par le pouvoir. C’est pour cela qu’il suffit d’assister aux premières minutes d’un rassemblement pour comprendre, ressentir la façon dont les choses vont tourner. Durant les manifestations non autorisées, c’est soit tolérance – assez rare, avec tentative de dissolution du rassemblement plus ou moins subtile en bloquant les gens sur les boulevards ou en les orientant vers le métro ou violence – avec arrestations en masse (par centaines) et éventuellement, coups de matraques.
Pourquoi on ne trouve ni gaz lacrymogène ni flashball dans les manifs russes ? Parce que les russes ont tellement peur des forces de l’ordre qu’ils manifestent d’eux-mêmes sur les trottoirs et obéissent aux ordres. Les policiers russes sont en porcelaine. Le moindre coup donné ou imaginé à/par un policier et l’affaire devient criminelle avec, à la clé, le risque d’être envoyé plusieurs années en colonie.
Au lendemain des grandes manifestations, nombreux sont ceux qui se demandent si leur affaire ne va pas devenir criminelle parce qu’ils ont eu le malheur de bousculer un policier lors de leur arrestation. Et ça arrive réellement de temps en temps. L’affaire « Bolotnaya » en est le meilleur exemple. Elle a d’ailleurs précédé un durcissement de la loi sur les rassemblements par le Kremlin et la création du concept des « piquets solitaires »: https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Bolotna%C3%AFa
J’ai connu un gamin accusé d’avoir frappé un policier (j’y étais, c’était faux). Il a passé 8  mois en prison, libéré de justesse alors qu’il s’apprêtait à partir en colonie. La scolarité de cet orphelin a été gâchée par cette histoire. En Russie, les professeurs et directeurs des écoles sont souvent assez « patriotes » et les patrons parfois de mèche avec la police pour faire payer ce genre de chose à leurs élèves et employés. A la veille de la présidentielle russe de 2018, des dizaines de personnes ont été renvoyées de leurs écoles et universités parce qu’elles avaient tenté de protester contre le pouvoir.
Anecdote : on voit l’arrestation de ce jeune homme dans cette vidéo filmée par @alexdalsbaek l’année dernière. Cette vidéo apparaît dans la dernière saison du bureau des légendes. Elle est regardée à la télé par Marina Loiseau et son ami hacker russe. Le jeune du tweet précédent est le blond flouté à droite de Navalny.

 

 

 

En Russie, la majorité des arrêtés s’en sort sans rien, une amende ou 10 à 15 jours de prison pour les « récidivistes ». Rien de comparable avec les gilets jaunes qui manifestent sans souci en France.
Le médiatique opposant à la politique du Kremlin Alexeï Navalny a passé des mois en prison de cette façon l’année dernière, comme s’il bénéficiait d’une carte de fidélité.
Il faut comprendre qu’en Russie, les policiers incarnent vraiment le pouvoir. Quand l’ordre est donné, ils écrasent physiquement et symboliquement la foule. Équipements lourds et coups bien placés, presque de quoi faire regretter la BAC française (presque).
Les manifestations russes sont plus angoissantes que les manifs françaises où celui qui ne veut pas se battre avec la police a toujours la possibilité de quitter les lieux. Ici, l’enjeu est juste de POUVOIR MANIFESTER, quitter les lieux n’aurait donc aucun sens…
Il faut s’imaginer que les rassemblements russes sont systématiquement cantonnés sur les larges trottoirs de Moscou, sur les boulevards et ça ne vient à l’idée de personne de s’enfuir par la route. C’est une habitude russe qui est également liée à la volonté de vouloir limiter leurs infractions en cas d’arrestations de masse.
Les policiers avancent alors dans la foule l’air de rien, en file indienne et attrapent les gens au hasard, souvent dans leur dos. Vous pouvez être un gamin, un retraité, un handicapé, un journaliste ou un simple passant qui n’a rien à voir avec la manif, vous serez embarqué, les quatre fers en l’air et le coup de matraque bien placé si nécessaire.
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A noter que la manifestation du 12 juin était liée à un évènement peu ordinaire. Le pouvoir a sûrement pour la première fois sous la gouvernance de Vladimir Poutine, fait marche arrière devant la mobilisation des russes. Conséquences, la manifestation interdite du lendemain a permis au pouvoir de faire passer son message au peuple : La fête est finie, on ne tolère pas le désordre en Russie. On a ainsi pu voir les policiers choisir les russes à arrêter, jeunes, retraités, femmes, hommes, journalistes, enfants, tous ceux que le Kremlin ne souhaite pas voir redescendre dans la rue. Un exemple typique de la façon dont le maintien de l’ordre est utilisé par le pouvoir russe.
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Vient l’étape de « l’avtozak », le panier à salade russe, une cage en fer sur roues. En Russie, c’est vu comme un triangle des Bermudes. Vous pouvez notamment vous y faire tabasser à l’abri des regards ou y rester enfermé plusieurs heures durant sur le parking d’un commissariat, bien sûr, sans avocat. Dans certains cas particuliers, on peut même y disparaitre et réapparaitre amoché dans un commissariat de banlieue quelques heures plus tard…
Anecdote : la police russe vient de créer deux nouveaux « avtozak ». Adaptés aux handicapés (destiné aux prisonniers handicapés) et parce que les bébés sont les Navalny de demain, au transport de sièges pour bébés.
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Car il ne faut pas compter sur la Constitution russe, violée à partir du moment où la police arrête en masse, sanctionne des messages critiques et interdit les manifestations. Vous verrez d’ailleurs souvent les russes descendre dans la rue avec leur constitution, en vain. Il ne faut pas compter non plus sur l’application de la loi et la justice.
Comme tous les chefs d’État, Vladimir Poutine met un point d’honneur à dire qu’il ne peut/veut pas influencer les décisions de justice. Au risque de se mettre dans des situations inconfortables (voir l’affaire Calvey, homme d’affaire poursuivi par la justice au grand dam du président russe).
L’affaire Golounov montre pour autant que quand le pouvoir se sent menacé, il n’a aucun mal à prendre des décisions de justice. Les exemples sont nombreux et à tous les niveaux. L’opposant Navalny, ses proches et ses militants en sont le meilleur exemple. Il faut assister à leurs jugements pour comprendre la folie de leurs affaires et l’importance de la dépendance des juges russes au pouvoir.
Certains soutiens étrangers du président russe aiment rappeler que ces manifestations sont illégales car non autorisées. L’argument est fallacieux car les russes n’ont d’autre choix que de manifester illégalement, tant les manifestations autorisées sont encadrées et généralement, interdites.
Quand l’autorisation est donnée, les manifestations ont généralement lieu sur le large boulevard Sakharov, à l’abri des regards. Les pancartes et drapeaux sont sélectionnés par la police, tous les manifestants sont fouillés, il faut manifester entre quatre barrières et la police décide elle-même du nombre de participants et de l’heure de début et de fin de ces rassemblements souvent boudés par une partie des militants.

 

 

 

Il faut donc comprendre que les russes ont en face d’eux une police directement dirigée par le Kremlin quand les gilets jaunes, eux, ont affaire à une police qui n’a pas les mêmes objectifs. Sans entrer dans les détails, il semble ressortir de ces derniers mois de manifestations que la police française est fatiguée, que le maintien l’ordre est inadapté aux manifestations des gilets jaunes avec, notamment, des armes qui n’ont rien à y faire et, il ne faut pas relativiser la chose, que le gouvernement a semblé tenter, à plusieurs reprises, de faire un usage politique du maintien de l’ordre. Résultat : échec. Les médias en ont parlé (pas possible en Russie), des enquêtes sont ouvertes (n’arrive quasiment jamais et ne mène à rien en Russie), la police des polices travaille (trop lentement et sur trop peu de cas, soit) sous la pression de la société (ça n’arrive pas en Russie) et l’avenir du maintien de l’ordre à la française est en débat, ce qui n’est pas près d’arriver en Russie… Je ne parle même pas des médias sur lesquels les gilets jaunes ont pris l’habitude de cracher alors qu’ils étaient sur-couvert par la presse à leur avantage. En Russie, les manifestations ne sont pas couvertes, elles n’existent donc pas pour les russes. Exemple : Le fameux opposant Alexeï Navalny ne doit être connu que d’environ 2% des russes entre Moscou et Saint-Pétersbourg…
Donc même si l’épisode « gilets jaunes » a fait apparaître de graves dysfonctionnements dans le maintien de l’ordre français, la comparaison avec la Russie n’a aucun sens car, et c’est l’essentiel, manifester est possible en France (démocratie), même lorsque les rassemblements ne sont pas déclarés. Les gilets jaunes ont, dans leur majorité, été blessés dans des moments de violence durant lesquels il n’y avait pas d’enjeux de défense d’une liberté de manifester ou de s’exprimer. A en écouter les gilets jaunes, il s’agissait surtout de défendre le droit à une « violence légitime » marque d’une certaine radicalisation qui, pour autant, peut légitimement porter à débat.
Pour « l’anecdote », les manifestations des gilets jaunes sont diffusées en boucle sur les chaînes russes, filmées par leurs relais de propagande à Paris (Russia Today en première ligne). Il s’agit pour eux de taper sur le président Macron mais surtout de donner l’image d’un occident décadent en proie aux émeutes urbaines. Un vrai cadeau pour la propagande du Kremlin.
Paul Gogo

à Moscou, il se bat seul contre le réchauffement climatique

Arshak Makichyan a souhaité rejoindre la jeune suédoise Greta Thunberg dans son combat contre le réchauffement climatique. Mais protester n’est pas chose aisée en Russie, cet étudiant manifeste tous les semaines seul.

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« C’est difficile mais je serai là tous les vendredis » assure Arshak Makichyan, 24 ans, étudiant violoniste au conservatoire de Moscou. Tous les vendredis depuis 9 semaines, il se plante devant la statue d’Alexandre Pouchkine dans le centre de Moscou avec une pancarte appelant à agir contre les changements climatiques. « Le réchauffement climatique c’est la famine, la guerre, la mort » est-il écrit sur son panneau. Un message plutôt neutre, mais qui suffit à agacer certains passants. « Quelqu’un vient tout juste de m’expliquer que le réchauffement climatique est une invention des scientifiques » s’amuse-t-il. Arshak manifeste seul, la police le contrôle, des passants le photographient ou tentent parfois de le provoquer. Les « piquets solitaires » sont les seules protestations tolérées par les autorités sans autorisations préalables en Russie. « Je demande à mes amis de ne pas manifester avec moi, de le faire sur internet ou dans d’autres quartiers. A deux sur cette place, la police nous embarquerait ». Le jeune violoniste a longtemps hésité avant de manifester. Il a observé les rassemblements de l’opposition russe et leurs conséquences, « des jeunes exclus de leurs écoles, emprisonnés ou frappés dans les commissariats pour s’être opposés à Poutine ». Sa plus grande peur : se faire arrêter et casser un bras par la police à deux mois de son examen final de violon.

Climato-scepticisme

C’est encouragé par Greta Thunberg et motivé par la participation à sa première manifestation écologiste en mars dernier qu’il s’est lancé dans ses « piquets solitaires », régulièrement félicité par la jeune suédoise en personne via les réseaux sociaux. « Cela fait longtemps que j’essaie de changer mes habitudes. Je milite pour l’interdiction du plastique, la création d’un système de recyclage des déchets à Moscou… J’ai honte de voir les moscovites, riches, consommer autant alors que le reste de la Russie est inondé par nos déchets » explique-t-il.

Depuis mars 2018, de nombreuses villes de la banlieue de Moscou réclament la fermeture de décharges. En réponse, les autorités ont multiplié les arrestations dans la population puis décidé d’envoyer une partie des déchets de la capitale de 12 millions d’habitants dans la région d’Arkhangelsk (1000 km au nord de Moscou). Seul 4% des déchets sont recyclés en Russie contre plus de 80% en Belgique.

Avenir inquiétant

En septembre dernier, le ministère de l’écologie russe s’inquiétait dans un rapport des conséquences du réchauffement climatique sur le territoire russe. Le réchauffement climatique est deux fois plus important en Russie que dans la plupart des autres pays du monde, le nombre de décès liés à des catastrophes environnementales aurait été multiplié par onze en Russie entre 2016 et 2017. Toujours d’après ce rapport, Moscou pourrait subir d’importantes vagues de chaleur dans les années à venir, les régions pourraient subir une contamination de leur eau du robinet tandis que les déraillements de train pourraient se multiplier à cause de la déformation des rails dans le sud de la Russie. Le rapport alerte également sur la fonte du permafrost (sol gelé toute l’année) dans l’Arctique, qui pourrait mener à la dispersion de substances chimiques, biologiques et radioactives dans l’air et sur le risque d’incendies de grande ampleur dans les forêts de Sibérie…

Vladimir Poutine écolo ?

Il n’est pas évident de parler écologie en Russie, le sujet n’est quasiment jamais abordé dans la presse russe. « C’est un peu comme à l’époque, quand la presse soviétique nous cachait la catastrophe de Tchernobyl » ironise Arshak. Il en est convaincu, « la majorité des russes sont climato-sceptiques ». Il faut dire que les voix politiques manquent de clarté. Le président russe alterne régulièrement discours écologistes et climato-sceptiques. En mars 2017, Vladimir Poutine assurait que les changements climatiques n’étaient pas liés aux actions de l’humain. En mars dernier, il affirmait lors d’un forum sur l’Arctique que la priorité de la Russie, présidente du conseil de l’Arctique en 2021 serait de « promouvoir les technologies de protection de l’environnement ».

« Il adapte son discours, ça ne l’empêche pas d’exploiter toujours plus de gaz dans l’Arctique » dénonce le violoniste. Prochaine étape pour le jeune activiste : « Organiser une grande manifestation pour le climat, autorisée par les autorités, à Moscou. On sera sûrement mis au fond d’un parc mais cette fois-ci les jeunes n’auront pas peur de participer » espère-t-il.

Paul GOGO

à Moscou, où se préparent les (longs) voyages spatiaux

La Libre Belgique

Six russes et américains se sont enfermés la semaine dernière dans une station spatiale factice. L’objectif : Se préparer aux voyages longs dans l’espace, destination Mars et la Lune.

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Ils sont jeunes et ambitieux, trois femmes, trois hommes, deux américains et quatre russes, ils vivront enfermés dans un espace confiné ces quatre prochains mois. Il ne s’agit pas d’une émission de télé-réalité de mauvais goût mais d’une expérience scientifique qui pourraient mener ces six personnes jusqu’aux tréfonds de l’espace. Cette expérience du projet « Sirius » est réalisée conjointement entre la Nasa et l’Institut pour les problèmes biomédicaux russe. L’objectif est simple : Il s’agit d’étudier la résistance physique et psychologique de l’homme en vue de longs vols spatiaux. Car si la technologie évolue et, selon les spécialistes du domaine, devrait permettre de réaliser des vols longs dans l’espace d’ici 10 à 15 ans, les scientifiques n’ont pas encore fait le tour des difficultés mentales, psychologiques et physiques que de tels voyagent entraîneront.

Le projet Sirius s’inscrit dans une flopée de programmes de recherches liés à la conquête de l’espace. Mais avec l’annonce récente par la Russie et les USA de leur volonté de créer une station en orbite doublée de modules disposés sur Mars et les ambitions de conquête de la Lune par la Chine, ces recherches sur les vols longs deviennent prioritaires pour les agences spatiales du monde entier.

D’ici la fin de la mission Sirius, en 2022, deux autres expériences de « huis clos » de 6 mois et d’un an seront organisées avec un scénario semblable à celui imaginé par les les agences spatiales engagées dans cette course de l’espace. Les séquences d’enfermement de Sirius reposent sur un scénario crédible. Il s’agit pour l’équipe de simuler un voyage de dix jours puis la vie dans une station spatiale en orbite autour de la Lune. Soit une centaine de jours « en orbite » pour l’expérience actuelle et 80 expériences à mener en plus des tests médicaux réalisés quotidiennement. Américains, chinois et russes ont déjà pensé les constructions de bases sur la Lune ou Mars en les réalisant depuis une station placée en orbite. Avec pour objectif, à terme, de pouvoir envoyer des hommes vivre sur ces planètes sur plusieurs jours, le temps d’y réaliser quelques expériences.

« L’objectif est de garder l’équipe motivée durant la mission et d’observer l’effet des différences de cultures et de genres qui font la force de notre « expédition » » explique Evgueni Tarelkine, 43 ans, responsable de la mission. Ce cosmonaute russe a déjà passé 143 jours dans l’espace, en 2012, au sein de la station spatiale internationale. Il fait partie des six compères enfermés, engagés à réaliser plus de 80 expériences destinées, entre autre à observer l’évolution de la santé et des performances de l’équipe, sa susceptibilité au stress, la capacité à multiplier les taches avec des partenaires différents mais également à créer une équipe capable de travailler en autonomie et de déterminer à quel point les différences culturelles et de genre peuvent poser problème.

Stress psychologique

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Cette fausse station spatiale est faite de trois grands tubes installés dans un hangar de l’institut des problèmes biomédicaux russe, en banlieue de Moscou. Fermé par un sceau de cire, la porte de cette réplique de métal et de bois de station spatiale ne sera rouverte que début juillet. « La date exacte n’est pas encore connue, il n’est pas impossible que nous les mettions à l’épreuve psychologiquement en décalant la fin de l’expérience de quelques jours au dernier moment » explique Oleg Orlov directeur de l’institut en charge de l’expérience.

« Les difficultés sont nombreuses, il faut faire face aux problèmes techniques mais il faut aussi être capable d’apporter une aide morale aux collègues, nous allons faire face à des stress psychologiques forts qui ne doivent pas nous empêcher de rester bons et solidaires dans notre travail » explique Stefania Fediaї, 28 ans, docteur psychiatre. L’équipe se distingue des équipes classiques de cosmonautes par sa jeunesse. Car pour les agences spatiales comme pour ces jeunes surdoués, cette expérience est un vrai pari sur l’avenir. « Nous sommes quasi certains que ce genre de missions pourront être réalisées d’ici 10 à 15 ans. Nous espérons un jour en faire partie! » Explique Anastasia Stepanova, ingénieure russe.

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« Personnellement, c’est le manque d’eau chaude, d’internet et le fait de devoir faire du sport en étant dans un espace réduit pendant quatre mois qui m’inquiète le plus » confie Stefania Fediaї. Pendant quatre mois, le réalisme de la mission sera poussé jusqu’au rationnement de la nourriture distribuée tous les 30 jours comme délivrée par une capsule envoyée par la terre. Pour ce qui est de la communication avec l’extérieur, ou la terre donc, elle n’aura lieu que quelques minutes par jour avec 5 minutes de battement entre chaque échange.

Ce n’est pas tous les jours que l’on voit américains et russes enfermés quatre mois durant dans une même pièce, à Moscou. Mais l’espace semble résister aux tribulations géopolitiques qui animent les deux pays. « Nos deux agences semblent prêtes à travailler ensemble. On ne sait pas encore quelle collaboration nous mènera aussi loin dans l’espace mais elle sera forcément internationale et certainement avec la Russie. L’espace et le confinement créaient une sensation de camaraderie qui passe au dessus de tout ça » assure l’américain Reinhold Povilaitis, 30 ans, chercheur dans le domaine de l’orbite lunaire, lui aussi de la mission.

Paul GOGO

RFI : La Russie réitère son soutien à l’Algérie et appelle à un «dialogue national»

Le vice-Premier ministre et chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra était à Moscou, mardi 19 mars, pour rencontrer le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

 

Ramtame Lamamra est arrivé mardi matin avec une lettre écrite, selon ses dires, par le président Bouteflika, à destination de Vladimir Poutine.

Le ministre algérien des Affaires étrangères a longuement discuté avec son homologue russe Sergueï Lavrov, un ami de longue date rencontré à l’ONU. Il lui a décrit une situation algérienne sous contrôle et vanté les mérites du dialogue national qui mènera à une nouvelle Constitution et de nouvelles élections.

« Notre collègue a parlé de la situation en Algérie, il a partagé ses plans dans un avenir proche. Nous les soutenons, a déclaré Sergueï Lavrov. Nous espérons qu’ils contribueront à stabiliser la situation dans cet Etat ami par le biais d’un dialogue national fondé sur la Constitution algérienne et, bien entendu, avec le respect des normes du droit international et de la charte des Nations unies par toutes les parties. »

Les deux hommes ont également discuté des dossiers importants de la région – Libye, Mali, Moyen-Orient, zone Sahara-Sahel – et rappelé l’importance d’une politique commune pour maintenir la stabilité de la région et entretenir, selon Sergueï Lavrov, la vaste coopération technico-militaire profondément enracinée entre la Russie et l’Algérie

Les russes dans la rue pour protéger leur Internet

Pour La Libre Belgique. Plus de 15 000 russes ont défilé dans le centre de Moscou dimanche pour protester contre la prise de contrôle du web par les autorités russes.

« Poutine voleur, Poutine démission, ils ne comprennent rien à internet » scande la foule sur l’avenue Sakharov traditionnellement utilisée pour les manifestations autorisées par les autorités. Dimanche, plus de 15 000 russes ont participé à ce rassemblement pour dénoncer la main du Kremlin de plus en plus présente sur le web russe. Cheveux long, manteau noir, Mikhail Svetov, 34 ans est devenue l’idole d’une frange, souvent jeune, de l’opposition russe. Ce blogueur membre du parti libertaire de Russie est en première ligne de la bataille pour la protection du web dont la prise de contrôle par le Kremlin, déjà forte, s’accentue depuis la réélection du président Poutine, l’année dernière. Cette semaine, c’est une loi destinée à isoler l’internet russe du reste du monde qui pourrait entrer en vigueur. « Il faut s’opposer à cet isolement. Notre gouvernement veut construire une infrastructure qui pourra limiter le trafic quand elle le souhaitera, au dépend de toutes nos libertés. Cela nous transformera en Corée du Nord » explique l’opposant. Si la mise en œuvre de cette loi est encore mystérieuse, les ambitions du Kremlin seraient liées à la situation internationale. La Russie aurait besoin de se protéger d’éventuelles attaques extérieures. « Comprenez, c’est leur invention après tout » expliquait Vladimir Poutine en février dernier en faisant allusion aux États-Unis. Ils écoutent, ils regardent et lisent tout ce que vous dites puis ils stockent ces informations. Ce n’est pas dans leur intérêt de nous couper de l’internet mondial, je pense qu’ils y réfléchiraient à 100 fois avant de le faire, mais mieux vaut s’y préparer ». Chez les observateurs russes, il se dit qu’au Kremlin on ne comprend pas grand chose au web. Vladimir Poutine l’a rappelé récemment, il n’utilise jamais internet. « Nos dirigeants ont peur donc ils adaptent des censures soviétiques à notre époque, ils préféreraient que tout le monde regarde la télévision pour que Kissilev (journaliste connu pour sa propagande acharnée en faveur du Kremlin) nous explique qu’il n’y avait que cinq manifestants aujourd’hui. Sauf que notre génération ne fonctionne pas comme ça » explique l’opposant blogueur.

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Difficultés techniques

Mais l’argument du style « guerre froide » du Kremlin ne convainc pas la jeunesse russe qui considère que cette volonté de créer un internet russe coupé du monde a des visées internes. La Russie compte des milliers de fournisseurs d’accès différents. L’objectif, à terme, serait de tout centraliser. En cas de mouvement de protestation, les autorités pourraient ainsi rapidement couper internet dans des villes et quartiers ou supprimer des contenus à leur guise.

Ces dernières années, face à une opposition de plus en plus organisée grâce aux réseaux sociaux, les autorités russes ont pris le contrôle du Facebook russe, Vkontakte et ont tenté de bloquer l’application de messagerie cryptée populaire en Russie, Telegram. En vain. « Ils veulent s’en prendre à internet pour se préparer à une éventuelle attaque de l’extérieur. Mais qui veut isoler l’internet russe ? Ce n’est pas l’Ouest » s’exclame un militant présent dimanche. Iaroslav, 17 ans, abonde en ce sens : « La version actuelle de cette loi est vraiment catastrophique en terme de liberté d’expression. Mais je suis sûr que la société civile parviendra à faire évoluer la position des députés ». On estime à environ 300 le nombre d’internautes condamnés tous les ans pour « diffusion de contenus extrémistes » parfois simples critiques du pouvoir. Ce web centralisé permettrait de repérer ce genre de contenus encore plus facilement. Si le projet de loi fait consensus au sein du parlement russe, rien n’est encore joué. L’échec du blocage de Telegram a montré que les tentatives de contrôle du web se heurtaient à de nombreuses difficultés techniques. À l’époque, plusieurs centaines de sites internet majeurs avaient subi des pannes alors que Telegram parvenait à maintenir son activité. De grandes entreprises s’inquiètent, l’Union russe des entrepreneurs qualifie ce projet de loi de « désastre ». Quant à Andreï Klichas, sénateur à l’origine de ce projet de loi, il a d’abord vanté les mérites de sa proposition sans parler argent. Les députés ont finalement découvert qu’isoler son internet national avait un coût élevé : Il faudrait au minimum 270 millions d’euros pour mener à bien ce projet que les institutions russes ne savent pour le moment pas comment financer. Un premier test est prévu le 1er avril prochain.

Paul Gogo

Marche de l’opposition à Moscou

RFI

L’opposition russe était dans la rue, aujourd’hui, à Moscou. Plus de 10 500 personnes ont défilé, 6 000 selon la police, pour rendre hommage à l’ancien ministre et opposant, Boris Nemtsov, assassiné il y a quatre ans dans le centre de la capitale russe. Paul Gogo était dans le cortège.

Le rassemblement est devenu une habitude pour l’opposition russe depuis février 2015, date à laquelle l’ancien ministre et opposant Boris Nemtsov a été assassiné au pied de la place rouge. Fait notable, il s’agit d’un rare évènement d’opposition autorisé par les autorités russes. Dimanche après-midi, plus de 10 500 personnes ont pu défiler sur 1,5km, après avoir été fouillées par la police. Ilia Iachine, opposant et maire de quartier.

Micro 1
C’est une manifestation politique contre la politique de Poutine et pour une Russie libre et démocratique.
Nous voulons la libération des prisonniers politiques, que les enquêtes sur les assassinats politiques soient faites. Non seulement Nemtsov, mais tous les autres aussi. Nous voulons des élections justes dans tous les organes du pouvoir. 2/51

Son 2
Pour les manifestants, cette marche est l’occasion de défiler sans prendre le risque de se faire arrêter, tout en mettant la lumière sur les prisonniers politiques actuels. Anastasya Bourakova, jeune manifestante.

Micro 2
Je suis venue à la marche pour dénoncer les affaires choquantes, comme dans le cas de Boris Nemtsov, les commanditaires n’ont jamais été retrouvés. Je veux aussi parler des jeunes gens torturés par le pouvoir et des affaires criminelles fabriquées.

Son 3
L’ancien candidat à la présidentielle, Grigori Iablinski du parti Iabloko et l’opposant médiatique Alexeï Navalny étaient notamment présents dans le cortège.

Paul Gogo, Moscou, RFI