En Russie, la vie discrète du président déchu Viktor Ianoukovitch

[La Libre Belgique] Il y a cinq ans, il s’échappait d’Ukraine exfiltré par les services russes. Désormais réfugié en Russie, condamné à 13 ans de prison en Ukraine, Viktor Ianoukovitch se fait discret.

Sur le grand boulevard Zubovski de Moscou, de nombreux policiers patrouillent autour de la rédaction de l’agence de presse « Rossiya Sevodnia ». En ce mercredi 6 février 2018, c’est l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui s’exprime. Une majorité de journalistes russes sont présents, la voix de celui qui considère avoir fait l’objet d’un putsch, à Kyiv, le 22 février 2014 alors que le parlement ukrainien décidait de le destituer, ne porte désormais guère plus loin que dans les médias moscovites. Il y a cinq ans, Viktor Ianoukovitch rejoignait Kharkiv puis Donetsk en hélicoptère. Bloqué en Ukraine, il atteignait ensuite la Crimée en voiture, avant de disparaître pendant 24h non loin de la base militaire russe de Sébastopol avant de réapparaître en Russie, à Rostov sur le Don (1000 km au sud de Moscou), où il résiderait depuis.

Condamné en Ukraine

L’année dernière déjà, le président déchu avait invité la presse moscovite à écouter sa version des tirs de la place Maidan, qui avaient fait plus d’une centaine de morts chez les manifestants en 2014. Un coup des « groupes nationalistes ukrainiens » assure-t-il, collant à la ligne de la célèbre rhétorique russe. Mais c’est bien lui que les autorités ukrainiennes accusent aujourd’hui d’être à l’origine de ces morts. Le 21 janvier dernier, un tribunal de Kyiv l’a condamné par contumace à 13 ans de prison pour haute trahison. En février 2014, à quelques heures de son échappée belle, il avait appelé la Russie à intervenir militairement en Ukraine. « Il estime de toutes façons que ce procès est une affaire politique parfaitement organisée. Il continuera à vivre dans ses résidences en Russie, à jouer au tennis et à profiter de la vie » dénonce le correspondant moscovite de l’agence de presse ukrainienne Unian, Roman Tsimbaliuk.

Quel statut ?

Viktor Ianoukovitch tourne désormais le dos à sa carrière politique. « Les politiciens comme moi n’ont plus leur place en politique assure-t-il. La politique ukrainienne a besoin de sang neuf, d’une nouvelle génération de politiciens ». Pour autant, son statut comme sa vie quotidienne demeurent mystérieux. Le 6 février dernier, c’est accompagné d’au moins un agent du FSO, service de sécurité des personnalités importantes, des ministres jusqu’au président Poutine, que Viktor Ianoukovitch est arrivé en conférence de presse. « Je ne suis qu’un simple réfugié promet-il. À Rostov, quand je sors dans la rue, beaucoup de réfugiés ukrainiens viennent me parler. Je m’y sens comme à Donetsk. Je suis dans le même bateau que ces gens jetés de leur pays ». Au quotidien, Ianoukovitch enchaînerait les rencontres avec des responsables ou acteurs de la vie politique russe comme ukrainiens. Le gèle de ses actifs par l’Union Européenne en 2014 ne semble pas avoir compliqué sa vie. S’il loue bien une maison de deux étages de près de 500m² avec piscine et salle de sport à Rostov-sur-le-Don, il n’y vivrait pas réellement. Des journalistes évoquent une maison dans la cité balnéaire de Sochi, une autre à proximité de Moscou. En novembre, c’est non loin de la capitale qu’il s’est blessé lors d’un cours de tennis.

De ses proches, il n’a officiellement plus que son fils Alexandre, homme d’affaire, à ses côtés. Son ex femme Lioudmila Nastenko est décédée en 2017 et son second fils, Viktor, est mort en mars 2015, à l’âge de 33 ans. Fan de grosses cylindrées et de vitesse, il a perdu la vie en traversant la glace du lac Baïkal en 4×4, alors qu’il y roulait à toute vitesse avec des amis.
 

Présidentielle

Viktor Ianoukovitch a un avis arrêté sur l’élection présidentielle ukrainienne dont le premier tour aura lieu le 31 mars prochain : « Je connais Petro Poroshenko depuis longtemps, il m’a aidé à construire notre parti, le Parti des Régions, à l’époque. Il ne pense qu’à ses intérêts personnels et utilise des méthodes sophistiquées pour arriver à ses fins mais il n’a aucune chance de remporter cette élection ». L’ancien président se dit nostalgique de ses « années Donbass » désormais en guerre. Ancien gouverneur de la région, il regrette cette époque durant laquelle il « passait son temps avec les mineurs ». Selon lui, les autorités ukrainiennes doivent désormais « ouvrir des discussions avec les responsables séparatistes du Donbass. La seule solution pour sortir de la guerre ».
Paul GOGO

Mer d’Azov. Pour le Kremlin, le contrôle de la région à tout prix

La Libre Belgique.

Bas dans les sondages et en quête d’un contrôle toujours plus fort de la mer noire, Vladimir Poutine prend le risque de l’intransigeance.

L’image aurait été symbolique. Un navire de guerre ukrainien passant sous le contesté pont de Crimée, construit par la Russie en dépit du droit international à l’issue de l’annexion de la Crimée. Mais le risque militaire et symbolique semblait trop important pour le Kremlin. En tentant de rejoindre la mer d’Azov en passant par le détroit de Kertch, la marine ukrainienne s’est attaquée à un tabou exploité par la Russie depuis le début de la crise qui oppose les deux pays. Un accord signé en 2003 par les deux pays donnent des droits équivalents à la Russie et l’Ukraine sur ces eaux stratégiques. Mais dans les faits, la Russie a bel et bien pris le contrôle de la région. L’image d’un bateau poussé sous l’arche du pont de Crimée pour bloquer la circulation du détroit dimanche est saisissante. La Russie a le pouvoir physique de décider qui entre et qui sort de la mer d’Azov. Un enjeu économique, militaire mais également de communication. Intransigeant sur le sujet, Vladimir Poutine ne prendra jamais le risque de décevoir la population russe, exaltée au lendemain de l’annexion, en la laissant croire qu’il puisse y avoir la moindre faille de sécurité à proximité de la péninsule annexée.

Lundi soir, la Russie détenait toujours les 23 militaires ukrainiens et leurs trois navires au sein du port de Kertch, en Crimée. Porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov dénonçait lundi une « provocation dangereuse de la part de l’Ukraine » et concédait des coups de feu tirés sur les navires ukrainiens par les forces spéciales russes : « Nous n’avions pas le choix pour empêcher une violation de notre frontière ».

Risque de sanctions

Le conflit couvait depuis plusieurs mois. Les deux pays n’ont cessé d’augmenter la militarisation de leurs ports situés en mer d’Azov durant l’année passée. En octobre dernier, exaspérée par l’attitude de la Russie à l’égard des bateaux ukrainiens et européens dans la mer d’Azov, l’Union Européenne a menacé la Russie de nouvelles sanctions en cas de conflit dans la zone. En vain. Ces derniers mois, prés de 200 navires européens et ukrainiens auraient été contrôlés et parfois bloqués pendant plusieurs jours par les autorités russes lors de leur passage par le détroit de Kertch.

« Si nos gardes-frontière réalisent autant de contrôles, c’est parce que les leaders de l’auto proclamée assemblée des tatars de Crimée et les groupes nationalistes ukrainiens ainsi qu’un certain nombre de politiciens ukrainiens ont appelé au terrorisme et à la destruction du pont de Crimée » affirmait au journal Kommersant, Grigori Karasin secrétaire d’état du ministère des affaires étrangères russe vendredi dernier.

En refusant le passage des navires militaires et commerciaux ukrainiens sous le pont de Crimée, la Russie teste la capacité de réaction de l’Union-Européenne tout en prenant le risque de subir de nouvelles sanctions. Comme en Ukraine, l’explication de cette manœuvre risquée se trouve très certainement dans la politique nationale. Depuis l’été dernier et l’annonce de l’impopulaire réforme des retraites, le taux de popularité de Vladimir Poutine subit une dégringolade inédite. Le président russe n’aurait plus que le soutien de 45% de la population contre 64% en mai dernier. Cette impopularité n’avait pas été aussi importante depuis… la veille de l’annexion de la Crimée. L’introduction de la loi martiale en Ukraine joue le jeu du Kremlin. Les médias russes ont repris, lundi, un ton proche de celui de 2014 destiné à décrédibiliser le pouvoir ukrainien et à jouer la carte de l’Ouest russophobe. Dans la suite de son interview au journal Kommersant, Grigori Karasin déclarait « le sujet de la mer d’Azov a été intentionnellement inséré dans l’espace médiatique. Le régime de Kiev a créé un nouveau thème anti-russe avec ses mentors étrangers (…) le seul objectif de l’ouest est de pouvoir durcir les sanctions contre la Russie ».

France Culture. Six policiers arrêtés, accusés de torture en prison

Six policiers ont été arrêtés lundi en Russie. Ils sont accusés d’avoir participé à la torture d’un prisonnier en juin 2017, une affaire révélée la semaine dernière par le journal d’investigation russe Novaia Gazeta qui a mis en ligne une vidéo des faits.

Il s’agit d’un extrait d’une dizaine de minutes montrant un prisonnier de la colonie de correction numéro 1 de Yaroslav, subir des actes de tortures.

Sur cette vidéo mise en ligne par le journal d’investigation indépendant du pouvoir Novaia Gazeta, on peut voir une dizaine de policier s’acharner à coups de matraques sur Evgueni Makarov, le prisonnier.

Lundi, les autorités russes ont arrêté six policiers soupçonnés d’avoir participé à ces actes de violence.

Anastasya Garina du comité indépendant de lutte contre la torture se félicite de la réaction des autorités.

« Il y a eu une réaction de la part des autorités. Et elle a été bonne, adéquate. Mais il faut comprendre que cette situation de violence en prison n’est pas une exception, c’est plutôt la règle en Russie. »

D’après le comité, une centaine de prisonniers se seraient plaints de violences dans cette même prison. Des violences semble-t-il cautionnées par la direction.

 » Les détenus russes font très souvent l’objet de violences de la part des membres de l’administration pénitentiaire. Parfois ces violences viennent de détenus a qui l’administration de la prison commande ces violences. Nous avons aussi d’autres cas dans lesquels les administrations ferment les yeux sur des bagarres entre détenus. »

Devant l’écho inédit de cette vidéo, les enquêteurs ont promis d’arrêter d’autres policiers dans les jours à venir.

Paul GOGO pour France Culture

RFI. Reportage, après la liesse, le cas Sentsov

Après la victoire, le sacre. Tournée en bus pour les Bleus à Paris, « Deschamps Elysées » à l’Etoile, ou plutôt aux « deux étoiles ». Les Bleus perchés sur le toit du monde. On ne vous refera pas le film dans Accents d’Europe.

On a juste sélectionné deux images, en marge de la performance sportive. Celle de Kylian Mbappé tapant dans la main d’une opposante des Pussy Riot, qui avait fait irruption sur la pelouse pour interrompre brièvement le match. Ou cette autre photo, d’une fan zone vide avec cette légende : « La liberté est finie. Bienvenue dans la vraie Russie ». Deux photos qui font, bien sûr, référence à la situation des droits de l’homme à Moscou. Car derrière cette formidable liesse mondiale, il y a bien sûr une opération de communication bien orchestrée par Vladimir Poutine. Et le sort d’un homme Oleg Sentsov qui se meurt dans une colonie pénitentiaire du nord de la Russie. Le cinéaste ukrainien, engagé contre l’annexion de la Crimée, est en grève de la faim. Il a été condamné à 20 ans de prison pour terrorisme et trafic d’armes, à l’issue d’un procès qualifié de « stalinien » par Amnesty. Pour l’instant, aucune pression internationale n’a fait plier Poutine. Et en Russie, le cas Sentsov est quasiment tabou. A Moscou, le reportage Paul Gogo.

 

La Libre Belgique. Poutine et Trump réunis à Helsinki pour un exercice de com’

Ce lundi, quelques heures après la fin de la Coupe du monde, le président russe Vladimir Poutine se rendra à Helsinki pour rencontrer le président américain Donald Trump pour une première rencontre bilatérale. Dans les médias russes, on n’attend pas grand chose de cette rencontre, si ce n’est un exercice de communication que la presse estime déjà remporté par le président russe. Car cette rencontre est avant tout une question de symbole et d’images. Mille quatre cents journalistes de 61 pays seront présents, ce lundi, à Helsinki. D’après le journal russe Kommersant, Vladimir Poutine et Donald Trump auraient accepté le principe d’une conférence de presse commune durant laquelle ils devraient présenter une déclaration commune de deux pages insistant sur “l’importance de maintenir le dialogue entre leurs deux pays et leurs services de sécurité”. Objectif pour le Kremlin : parvenir à organiser une prochaine visite du président américain à Moscou. “Les médias étrangers ont publié de nombreux reportages présentant Trump comme un président soudain prêt à échanger. Par exemple, sur la question d’une redéfinition des influences en Europe et sur ‘l’Ukraine donnée à Moscou’. Mais les experts sont formels, aucun changement géopolitique notable ne se produira à l’issue de ce sommet”, modérait dimanche le journal populaire “Komsomolskaia Pravda”. Le président Trump n’a pas dit autre chose dimanche sur CBS en déclarant qu’il avait “de faibles attentes” quant à son entrevue avec M. Poutine.

Un Mondial diplomatique

Cette rencontre arrive à l’issue d’un Mondial réussi. “La meilleure coupe de tous les temps” a déclaré le président de la Fifa Gianni Infantino, samedi, lors d’un gala organisé par le président Poutine dans la grande salle du prestigieux théâtre Bolchoï. Ne cachant pas le rôle de “soft power” d’un tel événement, le président russe a pris la balle au bond devant de nombreuses délégations étrangères en remerciant les supporters étrangers “ d’être venus constater que la Russie de 2018 ne correspondait pas aux clichés de l’étranger”. L’air de rien, le Mondial a fait office de séquence diplomatique pour le président russe. Pendant un mois, Vladimir Poutine a rencontré des dizaines de chefs d’Etat venus échanger quelques mots à l’occasion d’un match de football. Persuadé que son équipe n’irait pas loin dans le Mondial, le président russe s’est bien gardé d’assister aux matchs, envoyant son premier ministre Dmitri Medvedev assurer une présence officielle. Mais la plupart des chefs d’États venus à Moscou ont fait un arrêt par le Kremlin avant de se rendre au stade. En ce week­end de finale, ce ne sont pas moins d’une douzaine de responsables politiques qui ont défilé au Kremlin, de Palestine, du Gabon, de Moldavie, de Hongrie, du Soudan jusqu’à la présidente Croate Kolinda Grabar-Kitarovi et au président français Emmanuel Macron venus supporter leurs équipes finalistes. La semaine dernière, c’est le dossier syrien que le président russe a tenté de faire avancer en rencontrant dans sa maison de campagne à quelques kilomètres de Moscou un responsable iranien et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou dans la même journée. De quoi pousser certains observateurs à soupçonner le président Poutine d’avoir utilisé la Coupe du monde pour s’organiser son sommet diplomatique personnel en miroir au sommet de l’Otan organisé à Bruxelles les 11 et 12 juillet derniers.

La Libre Belgique. Des Nigérians pris au piège du Mondial

Entrés sans visa en tant que supporters, ils espéraient rester et trouver du travail. C’était un leurre.

L’offre paraissait alléchante pour les quelques centaines de Nigérians aujourd’hui coincés sans billet retour, à Moscou et Saint-Pétersbourg. Des agents touristiques leur ont vendu un forfait en apparence très avantageux. Il comprenait un billet d’avion pour Moscou; un ticket pour assister à un match de la Coupe du monde, et surtout, une “Fan ID”. Ce document offert aux détenteurs de tickets de matchs permettait à quiconque de se rendre en Russie sans visa le temps de l’événement. Les Nigérians pensaient profiter de leur présence sur le territoire russe pour y trouver du travail.

“On a dit à ces jeunes hommes que ce Fan ID leur permettrait de travailler en Russie. Le Fan ID a représenté une opportunité pour les trafiquants d’êtres humains. Certains de ces hommes espéraient trouver du travail en usine, d’autres, à qui on a expliqué que la Russie manquait de footballeurs, ont pensé pouvoir intégrer un club de football en arrivant”, explique, dépitée, Ioulia Silouïanova de l’ONG russe Alternativa. Les jeunes Nigérians ne comprennent pas la situation et l’ambassade du Nigeria en Russie peine à apporter de l’aide. Pire, elle met des bâtons dans les roues des bénévoles russes. Jeudi, l’ambassade a fait miroiter un vol retour aux Nigérians piégés en Russie. Une cinquantaine d’entre eux a passé la journée devant le terminal destiné aux VIP de l’aéroport Sherementievo de Moscou.

“L’ambassade a organisé un piège en nous faisant amener une foule à l’aéroport. Certains d’entre eux sont un peu agressifs. Plus ils sont fatigués, plus ils s’énervent et la police russe ne comprend pas ce qui se passe. L’ambassade espérait sans doute que tout le monde finisse en prison”, explique Ioulia Silouïanova. Devant l’échec de cette tentative, la police a rapatrié la cinquantaine de personnes, vendredi, dans le centre-ville de Moscou.

Esclavage et prostitution

Regroupés sur le trottoir qui fait face à l’ambassade, les hommes ne lâchaient pas leur précieuse Fan ID. Leur présence sur le territoire russe deviendra illégale à partir du 25 juillet prochain (NDLR Entre-temps, Vladimir Poutine a annoncé rallonger la validité de ces documents jusqu’au 31 décembre 2018). Spécialisée dans la gestion de ce genre de situations, l’ONG Alternativa ne reçoit aucun financement de l’État russe et les bénévoles risqueraient d’être qualifiés d’agents de l’étranger s’ils recevaient de l’argent de l’extérieur. “Nous nous finançons nous-mêmes, il nous est impossible de financer leur retour ou même un hébergement d’urgence”, explique la bénévole d’Alternativa. Résultat, scène rare en Russie, ils ont été plusieurs dizaines à passer la nuit à même le sol, vendredi, en plein centre de Moscou. “Il s’agit pour nous de mettre la pression à l’ambassade. Le problème doit être résolu rapidement. Car même si nous n’avons jamais vécu de situations de ce type, nous en connaissons les conséquences. Lorsque des personnes se retrouvent en position de faiblesse comme c’est le cas de tous ces hommes, il est fort probable qu’on les retrouve dans des réseaux d’esclavage dans quelques semaines, lorsque leur présence sur le territoire sera devenue illégale et qu’elles seront désespérées”, avertit un bénévole. L’association est d’autant plus vigilante

qu’elle a repéré plusieurs réseaux de prostitution durant la Coupe du monde. “Nous avons démantelé un bordel la semaine dernière en collaboration avec la police. Il s’agissait ici aussi de femmes nigérianes. La prostitution des femmes a lieu toute l’année, ce qui n’est pas le cas des trafics touchant les hommes, analyse Ioulia. Mais une chose est claire, nombre d’entre elles ont profité du Mondial et de son système de Fan ID pour entrer en Russie et disparaître dans des réseaux de prostitution.”

RFI. La réforme des retraites inquiète les russes

(Reportage pour l’émission Accents d’Europe)

L’annonce était censée se noyer dans la ferveur des supporters de la Coupe du monde, celle de la réforme des retraites russes. Sauf que la réforme est explosive : le départ à la retraite sera désormais lié à l’espérance de vie. Dans un pays où les pensions sont maigres et l’espérance de vie plafonne à 66 ans pour les hommes, et 70 ans pour les femmes, la nouvelle a entraîné une levée de boucliers. Reportage de Paul Gogo à Iaroslavl.

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev en a fait l’annonce, l’air de rien, quelques minutes avant le premier match de la Coupe du Monde, le 14 juin dernier. Le Kremlin souhaite lancer la Russie dans une réforme des retraites. Inchangé, le plafond de départ à la retraite côtoierait les chiffres liés à l’espérance de vie. Quasi unanimement contre cette réforme, les russes craignent de devoir travailler à en mourir. Reportage à Iaroslavl, ville de 600 000 habitants située à 300 km de Moscou.

L’annonce de cette réforme des retraites est arrivée comme un cheveux sur la soupe. Pour les russes, le sujet est sensible, personne n’a osé s’y attaquer depuis l’instauration en 1932 par Staline de paliers simples. 60 ans pour les hommes, et 55 ans pour les femmes. Avec cette nouvelle réforme, ceux-ci devront partir à la retraite respectivement à 65 et 63 ans. Ce changement annoncé met les russes en émoi.
Bière à la main devant un magasin d’alcool, Nikolaï, 37 ans fait partie de ces nombreux russes qui survivent grâce à de petits boulots. Il se prépare à vivre une retraite difficile.

« J’ai 37 ans et je n’ai jamais travaillé officiellement, j’ai toujours bossé dans un garage. Sur mon livret de travail je n’ai que cinq ans d’ancienneté. La seule solution c’est de mettre de l’argent de coté dès maintenant et d’essayer de toucher des intérêts ».

En Russie, nombreux sont les retraités actifs tant les pensions sont faibles. Mais parfois, le corps ne suit plus, les employeurs non plus. C’est le cas du père de Nikolaï.

 » Mon père par exemple, a pris sa retraite à 60 ans mais plus personne ne veut l’embaucher parce qu’à 60 ans tu ne peux trouver qu’un travail d’éboueur. Mais il a pas envie de faire ça, il a déjà été dans le bâtiment toute sa vie. S’il n’avait pas pris sa retraite à 60 ans, il aurait passé cinq ans sans boulot et sans pension ».

Preuve que ce thème touche profondément les russes, aborder le sujet dans une cour d’immeuble fait descendre les voisins. Ils ont tous leur mot à dire. Pas le temps d’interroger Anna, dévastée par cette annonce, les mots sortent seuls. Cette femme de 55 ans qui devait partir à la retraite l’année prochaine fond en larme à l’idée de devoir travailler huit ans de plus.

« Je suis boulangère à l’usine, je touche 20 000 roubles par mois et je suis debout devant mon four toute la journée, ça veut dire quoi, que je ne vais pas avoir de retraite et que je vais finir ma vie devant mon four ?
Le week-end, j’arrondis mes fins de mois comme caissière chez Dixi parce que 20 000 roubles ça ne me suffit pas pour vivre et maintenant on me vole ma retraite. Que la réforme passe ou non, j’ai encore un an à travailler, j’ai déjà 55 ans et je n’ai plus de santé ».

Au cœur du problème, la pauvreté. 20 millions de russes vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.

« Une retraite à 63 ans, c’est inimaginable, personne ne survivra. Pour être honnête, la moitié de ma génération a déjà disparu. Les plus anciens meurent déjà .
Mon fils est soudeur, il touche 17 000 roubles par mois, on est tous en dessous du seuil de pauvreté. Certains ont leur salaire qui augmente mais ce n’est pas le cas pour nous, le commun des mortels. On touche cet argent, on paie notre loyer, les impôts, les taxes et il ne reste plus rien pour acheter du pain ».

Toutes mettent en exergue leurs conditions de vie difficiles. Vieux immeubles, routes cabossées et produits d’alimentation de mauvaise qualité, Liouba et Ksenia en ont particulièrement contre le président Poutine.

« Essayez de vivre avec 8000 roubles par mois ! En plus ils disent que les retraités qui travaillent n’auront pas de pension.
« J’ai une hypothèque, on a acheté un appartement, il faut bien vivre quelque part,
Et voilà, on va travailler à vie mais il y en a beaucoup qui ne vivent même pas après cet age là. C’est quoi notre niveau de vie ? La qualité de notre nourriture laisse à désirer, nos magasins aussi, nous sommes tous contre cette réforme ».

Depuis quelques jours, de petites manifestations sont organisées à travers la Russie. Interdites pendant la Coupe du monde, elles pourraient redoubler d’intensité à l’issue du tournoi.
Andreï, 38 ans, fraiseur-tourneur s’est joint à un rassemblement organisé par les soutiens de l’opposant Alexeï Navalny dans le centre de Iaroslavl. Avec cette réforme, les hommes partiront à la retraite à un age qui correspond à leur espérance de vie, l’ouvrier craint de ne jamais voir la couleur de sa pension.

« C’est clair que d’ici 20 à 25 ans, ça sera très difficile pour moi d’accomplir mon travail, le fait qu’ils augmentent l’age de départ à la retraite à 65 ans pour les employés des services publics, les ouvriers, les chauffeurs, ça va être très difficile de survivre jusqu’à cet âge là. Ça, les forces de sécurité ne vont pas le vivre, ils partiront en retraite avant nous et auront une pension bien différente de la notre ».

Pour ne rien arranger, le Kremlin souhaite également augmenter la TVA à l’issue de la Coupe du Monde. Les syndicats de travailleurs et partis politiques d’opposition espèrent mobiliser les foules dans les semaines à venir. De quoi pousser le président Poutine à prendre ses distances avec cette réforme annoncée par le premier ministre Medvedev, expliquant qu’il n’avait pas encore donné son feu vert. Une chose est certaine, le Kremlin garde l’œil sur la population vent debout contre ces annonces.

Paul Gogo, Iaroslavl, RFI

RFI – Reportage, la rue Nikolskaïa en effervescence pendant la Coupe du Monde

La rue de la fête pendant le Mondial. C’est la rue Nikolskaïa en plein centre de Moscou. Elle est devenue, malgré elle, le point de ralliement des supporters du monde entier. Jour et nuit, des milliers d’entre eux viennent y faire la fête et ils bravent, sans le savoir, des interdits sur lesquels les policiers russes ferment exceptionnellement les yeux. Paul Gogo.

Reportage sur Soundcloud : https://soundcloud.com/paul-gogo/accents-deurope-reportage-nikolskaia

La Libre Belgique. La réforme des retraites inquiète les russes

Nous sommes tous contre”, lance Anna sur un ton catégorique. Dans la cour de son immeuble, dans la banlieue de Iaroslavl (300 km de Moscou), entamer une discussion sur la réforme des retraites annoncée il y a deux semaines par le Kremlin amène tous les voisins à y prendre part. Le 14 juin, c’est le Premier ministre Dmitri Medvedev qui a annoncé cette réforme controversée qu’il espérait noyer dans l’euphorie du Mondial de football. Au même moment, le président Poutine donnait le coup d’envoi au premier match de la Coupe du monde. Ces changements que le gouvernement russe souhaiterait mettre en place dès l’année prochaine prévoient un départ en retraite à 65 ans au lieu de 60 pour les hommes d’ici 2028 et un départ en retraite à 63 ans au lieu de 55 ans pour les femmes, d’ici 2034. La moyenne d’âge des hommes russes s’élevant à 66 ans, il leur faudrait désormais travailler jusqu’à la mort. Ce que la majorité de la population fait déjà. “On dit que les femmes sont en meilleure santé, mais de quoi parle-t-on?” interroge Anna. A moins d’un an de la retraite, elle craint de devoir trimer jusqu’à la fin de sa vie. “Je travaille dans une usine dans laquelle nous faisons du pain, je vais devoir mourir devant mon four à pain?” Cette femme de 62 ans travaille la semaine à l’usine et le week­end dans un supermarché. Elle gagne près de 20000 roubles par mois (environ 270 euros). Anna, comme ses voisines descendues dans la cour du vieil immeuble, s’attendent à recevoir environ 8000 roubles par mois de pension (108 euros). Avec 5000 roubles de loyer, il ne leur resterait plus que 3000 roubles pour manger, soit environ 40 euros.

Un acquis du communisme

Fixé en 1932, ce plancher des retraites n’avait jamais évolué depuis Staline. D’après l’institut FOM cité par le journal “Kommersant”, près de 80% des Russes seraient contre cette réforme. Ces derniers jours, la cote de popularité du président Poutine a chuté de 72% à 63%. En Russie, le Premier ministre est souvent utilisé comme un paratonnerre pour protéger le président. Vladimir Poutine s’est donc empressé de déclarer, via son porte-parole Dmitri Peskov, qu’il n’avait pas eu de rôle à jouer dans la conception de cette réforme. Difficile de dire si cette décision poussera les Russes à descendre massivement dans la rue, les rassemblements étant interdits durant la Coupe du monde. En outre, les syndicats des travailleurs, qui sont contre cette réforme, n’ont un pouvoir de mobilisation que très limité en Russie. Mais dans la population, la grogne est bien présente.

Dimanche, l’opposant Alexeï Navalny avait appelé la population à manifester dans une trentaine de villes non hôtes de la Coupe du monde. Quelques centaines, voire milliers de personnes se sont mobilisées dans chaque ville, dimanche après-midi, sans que la police n’intervienne. Marina, 37 ans, n’a pas participé au rassemblement de Iaroslavl. Pourtant, elle s’affirme totalement opposée à cette réforme. “Je suis cuisinière, je nourris 400 personnes chaque jour. En rentrant, j’ai mes deux enfants à nourrir. Avec une hypothèque contractée pour acheter notre appartement, je risque de toute façon de devoir travailler à vie; ce ne sont pas les 8 000 roubles de retraite qui vont me nourrir”, raconte-t-elle, alors qu’elle attend son troisième enfant. A un âge où les portes du travail se referment, la situation pourrait paradoxalement devenir plus compliquée pour les femmes que pour les hommes. En Russie encore plus qu’ailleurs, il devient particulièrement compliqué pour elles de trouver un travail après 45 ans. Cette réforme pourrait créer une situation dans laquelle de nombreuses femmes se trouveraient sans travail et sans pension. “Nous ne voulons pas de ces galères là. Si nous avons la possibilité de descendre dans la rue pour manifester, nous le ferons”, conclut Marina, rejointe par sa voisine Liouba.

Paul GOGO

La Libre Belgique. Comment Ramzan Kadyrov a utilisé le Mondial pour servir sa com’

Ramzan Kadyrov avait fait pression auprès du Kremlin et de la Fifa jusqu’au bout. Pas question pour le leader autoritaire de la Tchétchénie d’être écarté de la Coupe du monde. L’indignation

générale des ONG de défense des droits de l’homme n’y a rien fait, Kadyrov s’est vu attribuer la responsabilité d’accueillir l’équipe égyptienne dans sa capitale, Grozny. Le politicien controversé a cependant été épinglé de nombreuses fois pour ses atteintes aux droits fondamentaux et à la liberté de la presse. Il a également été accusé d’avoir emprisonné, torturé et assassiné des dizaines d’homosexuels de Tchétchénie, provoquant un tollé dans le monde entier. Sauf en Russie.

Un roi de la com’

Le jeune leader autoritaire, star des réseaux sociaux et notamment d’Instagram, occupe ses journées à monter des opérations communication autour de sa personne. Pour ce fan de l’équipe égyptienne, recevoir le célèbre attaquant de Liverpool Mohamed Salah dans sa capitale relevait du cadeau

inattendu dont il a su tirer les bénéfices à force de publications sur Internet et dans les médias d’État. S’il y a un sujet qui fait régulièrement débat en Russie, c’est l’importance des fonds nationaux envoyés par le Kremlin en Tchétchénie. Le contrat originel liant Vladimir Poutine à Ramzan Kadyrov consiste à faire en sorte que ces roubles permettent au président tchétchène d’assurer la stabilité de cette région qui fut autrefois une vraie poudrière pour Moscou. Mais, depuis quelque temps, Vladimir Poutine voit en ce coûteux Kadyrov un rôle d’autant plus stratégique. Ses liens et ses affinités avec les leaders du Moyen-Orient pourraient jouer un rôle clé dans la Russie du futur. C’est ainsi que les joueurs égyptiens ont été accueillis comme des rois à Grozny. En plein ramadan, dans une ville où l’alcool se fait rare, de nombreux titres de presse russes ont rapporté les propos des locaux qui,semble-t-il, étaient plus prompts à soutenir l’équipe d’Égypte que l’équipe russe durant ce Mondial pour une question de proximité culturelle. “A travers le football, nous allons montrer que nous nous développons et que, contrairement à ce qu’affirme la presse qui souhaite raviver d’anciennes haines par la désinformation, nous ne revenons pas en arrière”, a affirmé Magomed Matsuev, directeur du stade de Grozny, au “Guardian”.

Mo Salah piégé

C’est donc l’attaquant Salah qui s’est retrouvé au cœur de cette opération communication. Sorti de

son lit par le leader tchétchène alors qu’il soignait une blessure à la jambe, il a dû défiler devant les caméras collé à l’infréquentable Kadyrov. Quelques jours plus tard, il a été fait citoyen d’honneur de Tchétchénie, une nouvelle fois au côté de Kadyrov, et devant toutes les caméras de la région. Un piège selon Mohammed Salah qui s’est retrouvé au cœur d’une polémique. Selon CNN et ESPN, le joueur serait furieux au point de réfléchir à arrêter sa carrière. Il accuse la fédération égyptienne de ne pas l’avoir protégé, de ne pas lui avoir laissé le choix de poser au côté d’un Kadyrov excité comme un enfant. Fin du calvaire pour l’attaquant, l’Egypte a quitté le Mondial lundi soir.

Paul GOGO