Intervention pour France 24 à propos des élections organisées dans toute la Russie le 8 septembre dernier.
Intervention pour France 24 à propos des élections organisées dans toute la Russie le 8 septembre dernier.
Reportage publié dans Grazia en août 2019.
Le 20 juillet dernier, un passant découvrait le corps inanimé d’Elena Grigorieva dans une cour d’immeuble de Saint-Pétersbourg. Cette militante révoltée de 41 ans avait reçu de nombreuses menaces.
Les circonstances de ce meurtre demeurent floues, mais un homme de 29 ans a avoué avoir étouffé puis poignardé Elena Grigorieva, 41 ans à huit reprises, samedi 20 juillet dans la soirée. D’après les enquêteurs, la jeune femme participait à une soirée dans un appartement de la banlieue sud de Saint-Pétersbourg lorsqu’elle a rencontré cet homme, un inconnu pour elle. C’est en allant fumer une cigarette avec lui dans la cour de l’immeuble, en fin de soirée qu’une dispute aurait éclaté entre-eux, jusqu’à ce que l’homme sorte un couteau. C’est non loin de chez elle, dans cette cour aux frontières d’une enfilade sans fin de barres d’immeubles de béton et de quartiers gris de style soviétique que le corps d’Elena a été retrouvé, une dizaine d’heures après le meurtre, dans un buisson.
Originaire de Véliki Novgorod, Elena Grigorieva était une activiste chevronnée, connue de tous les militants de Saint-Pétersbourg critiques du pouvoir russe. Le parcours de cette femme brune toujours affublée de ses lunettes rondes et d’une veste en cuir n’est pas passé inaperçu lors de son arrivée en ville. D’abord militante nationaliste, la jeune femme a raconté à ses proches avoir été choquée par l’annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie en 2014 puis par le soutien apporté par l’armée russe aux séparatistes du Donbass. De quoi la convaincre de changer de camp et ainsi, rejoindre les « libéraux » russes, l’opposition. Elle n’aura jamais coupé ses liens avec ses anciens amis nationalistes qu’elle essaiera de rallier à ses causes. Cela lui vaudra ses premières menaces de mort que la police n’aura pas plus pris la peine d’étudier que sa plainte pour un viol…
Une femme de tous les combats
Il y a plus d’un an, la jeune femme annonce publiquement sa bisexualité faisant encore plus enrager ses ennemis. Le combat pour le respect des droits pour les LGBT lui devient alors essentiel. « Nous nous sommes rencontrées en avril dernier à l’occasion de la campagne « Jour de silence ». Des activistes de différents pays se couvraient la bouche pour attirer l’attention sur l’homophobie. Elena s’est faite arrêter par la police alors qu’elle n’avait rien fait d’illégal. Ça lui arrivait souvent » se remémore Vitali Bespalov, militant LGBT. L’opposante multiplie les actions contre la guerre, en solidarité avec des prisonniers politiques, soutient le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov emprisonné, les tatars de Crimée persécutés…
« Lena était gentille, réceptive, amusante, elle avait beaucoup d’amis mais aussi beaucoup d’ennemis » raconte Alexandre Mironov, un ami proche d’Elena. La militante se savait menacée, elle avait prévu de faire un double des clés de son appartement et de lui confier son chat, « Turner ». « Elle m’a accueilli quand je me suis retrouvé sans appartement, j’étais au chômage, elle aussi. Elle travaillait un peu au noir. Quand Lena a fait son « coming out », elle a reçu beaucoup de menaces, elle m’appelait pour en parler parfois » raconte Alexandre. Sur sa page Facebook, le militant appelle le monde entier à lui envoyer de l’argent pour soigner le chat qu’il a recueilli. Il tient à montrer des impressions d’écran de discussions entre Elena et certains de ses harceleurs. On y voit notamment une photo avec deux poignards et un commentaire d’un certain « Don Kotiano » « Qu’en penses-tu pédéraste, je vais te poignarder à fond ? ». Elena répond, provocante « je ne suis pas contre ! ».
«Pila » contre les LGBT
Souvent présentée comme la plus européenne des villes russes, Saint-Pétersbourg jouit d’un milieu militant particulièrement actif et productif. Lorsqu’en 2017 et fin 2018, des ONG ont dénoncé des purges contre les LGBT de Tchétchénie, c’est vers Saint-Pétersbourg que nombre d’entre-eux ont afflué, notamment soutenus par Igor Kotchetkov de l’ONG « réseau LGBT russe ». Cela n’empêche pas la banlieue de la ville d’être réputée dans toute la Russie pour abriter de nombreux nationalistes et néonazis.
Mi-juin, Kotchetkov s’est retrouvé en Une du site internet d’un réseau nationaliste homophobe « Pila contre les LGBT ». Le militant pour les droits des LGBT y apparaît à côté d’une corde et d’une bulle lui faisant déclarer « Oh, une corde, je pourrais me pendre avec ! ». Ces nationalistes demandent entre autre la fermeture des comptes en banque des LGBT russes, « l’obligation de soigner les LGBT », la fin des aides gouvernementales destinées aux séropositifs et menacent : « Nous vous avons préparé des cadeaux dangereux et cruels » suivi d’une liste de militants à viser. Elena Grigorieva y apparaît, Bespalov et Kotchetkov également… « Nous en avons discuté. Nous ne voulions pas avouer notre peur d’y apparaître, nous en avons rigolé » raconte Vitali Bespalov. « Je pense pour autant que cette liste n’est pas liée à son meurtre, ces gens ne font que parler. Mais ils peuvent inspirer des fous. Les enquêteurs parlent de « meurtre domestique ». Personne n’y croit dans le milieu militant de Saint-Pétersbourg, nous sommes tous convaincus que ce meurtre est lié à ses idées, son militantisme ».
Paul GOGO
Scène de violence il y a 15mins dans le centre de Moscou pic.twitter.com/wpHlbWC4zV
— Paul Gogo (@Paugog) June 12, 2019
Arshak Makichyan a souhaité rejoindre la jeune suédoise Greta Thunberg dans son combat contre le réchauffement climatique. Mais protester n’est pas chose aisée en Russie, cet étudiant manifeste tous les semaines seul.
« C’est difficile mais je serai là tous les vendredis » assure Arshak Makichyan, 24 ans, étudiant violoniste au conservatoire de Moscou. Tous les vendredis depuis 9 semaines, il se plante devant la statue d’Alexandre Pouchkine dans le centre de Moscou avec une pancarte appelant à agir contre les changements climatiques. « Le réchauffement climatique c’est la famine, la guerre, la mort » est-il écrit sur son panneau. Un message plutôt neutre, mais qui suffit à agacer certains passants. « Quelqu’un vient tout juste de m’expliquer que le réchauffement climatique est une invention des scientifiques » s’amuse-t-il. Arshak manifeste seul, la police le contrôle, des passants le photographient ou tentent parfois de le provoquer. Les « piquets solitaires » sont les seules protestations tolérées par les autorités sans autorisations préalables en Russie. « Je demande à mes amis de ne pas manifester avec moi, de le faire sur internet ou dans d’autres quartiers. A deux sur cette place, la police nous embarquerait ». Le jeune violoniste a longtemps hésité avant de manifester. Il a observé les rassemblements de l’opposition russe et leurs conséquences, « des jeunes exclus de leurs écoles, emprisonnés ou frappés dans les commissariats pour s’être opposés à Poutine ». Sa plus grande peur : se faire arrêter et casser un bras par la police à deux mois de son examen final de violon.
Climato-scepticisme
C’est encouragé par Greta Thunberg et motivé par la participation à sa première manifestation écologiste en mars dernier qu’il s’est lancé dans ses « piquets solitaires », régulièrement félicité par la jeune suédoise en personne via les réseaux sociaux. « Cela fait longtemps que j’essaie de changer mes habitudes. Je milite pour l’interdiction du plastique, la création d’un système de recyclage des déchets à Moscou… J’ai honte de voir les moscovites, riches, consommer autant alors que le reste de la Russie est inondé par nos déchets » explique-t-il.
Depuis mars 2018, de nombreuses villes de la banlieue de Moscou réclament la fermeture de décharges. En réponse, les autorités ont multiplié les arrestations dans la population puis décidé d’envoyer une partie des déchets de la capitale de 12 millions d’habitants dans la région d’Arkhangelsk (1000 km au nord de Moscou). Seul 4% des déchets sont recyclés en Russie contre plus de 80% en Belgique.
Avenir inquiétant
En septembre dernier, le ministère de l’écologie russe s’inquiétait dans un rapport des conséquences du réchauffement climatique sur le territoire russe. Le réchauffement climatique est deux fois plus important en Russie que dans la plupart des autres pays du monde, le nombre de décès liés à des catastrophes environnementales aurait été multiplié par onze en Russie entre 2016 et 2017. Toujours d’après ce rapport, Moscou pourrait subir d’importantes vagues de chaleur dans les années à venir, les régions pourraient subir une contamination de leur eau du robinet tandis que les déraillements de train pourraient se multiplier à cause de la déformation des rails dans le sud de la Russie. Le rapport alerte également sur la fonte du permafrost (sol gelé toute l’année) dans l’Arctique, qui pourrait mener à la dispersion de substances chimiques, biologiques et radioactives dans l’air et sur le risque d’incendies de grande ampleur dans les forêts de Sibérie…
Vladimir Poutine écolo ?
Il n’est pas évident de parler écologie en Russie, le sujet n’est quasiment jamais abordé dans la presse russe. « C’est un peu comme à l’époque, quand la presse soviétique nous cachait la catastrophe de Tchernobyl » ironise Arshak. Il en est convaincu, « la majorité des russes sont climato-sceptiques ». Il faut dire que les voix politiques manquent de clarté. Le président russe alterne régulièrement discours écologistes et climato-sceptiques. En mars 2017, Vladimir Poutine assurait que les changements climatiques n’étaient pas liés aux actions de l’humain. En mars dernier, il affirmait lors d’un forum sur l’Arctique que la priorité de la Russie, présidente du conseil de l’Arctique en 2021 serait de « promouvoir les technologies de protection de l’environnement ».
« Il adapte son discours, ça ne l’empêche pas d’exploiter toujours plus de gaz dans l’Arctique » dénonce le violoniste. Prochaine étape pour le jeune activiste : « Organiser une grande manifestation pour le climat, autorisée par les autorités, à Moscou. On sera sûrement mis au fond d’un parc mais cette fois-ci les jeunes n’auront pas peur de participer » espère-t-il.
Paul GOGO
Quel est donc ce projet qui fait polémique en Russie ?
Il s’agit de la construction d’une usine chinoise sur les rives du lac Baïkal avec pour objectif de commercialiser l’eau pompée en Chine. Le lac Baïkal c’est 20% de l’eau douce mondiale, c’est aussi une réserve naturelle inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. De nombreux russes craignent une catastrophe écologique.
Comment les opposants au projet se font-ils entendre?
Ils sont plus d’un million de russes, des opposants, des écologistes mais aussi des locaux, a avoir signé une pétition en ligne. C’est cette pétition qui ne cesse de grossir qui a semble-t-il fait réagir les autorités.
Ont-ils des chances d’être entendus ?
Il semble en effet que les autorités soient ouvertes à la discussion. Le chantier a d’ores et déjà été interrompu par un tribunal et le gouverneur de la région d’Irkoutsk, a, disons le ainsi, retourné sa veste. Il a autorisé les chinois a lancer le chantier avec un statut prioritaire en 2017. Mais il estime désormais que le site se trouve dans une zone protégée dans laquelle il ne sera pas possible de mettre de l’eau en bouteille.
Et quelle est la réaction de ces entrepreneurs chinois ?
C’est leur représentant en Russie, Alexeï Azarov qui s’est exprimé au nom de l’entreprise AkvaSib. Il estime que le pompage n’impactera pas le volume d’eau du Baïkal et rappelle que ce projet à 19 millions d’euros prévoit la création de 150 emplois.
Mais rien qui ne suffise à convaincre les locaux si je comprends bien…
Non, car les investisseurs chinois sont connus comme le loup blanc en Russie, et particulièrement en Sibérie. La Russie se montre ouverte aux investissements chinois mais subit parfois les inconvénients de ces investissements massifs. En Sibérie les habitants se plaignent régulièrement de voir des entrepreneurs chinois construire des hôtels sur les rives du lac sans aucune autorisation quand eux se font refuser les leurs. Ils ont donc la sensation que l’essor du tourisme dans la région ne leur profite pas.
Sans compter que la situation écologique du Baïkal est réellement compliquée. Et ça, les russes en ont visiblement plus conscience que les chinois.
C’est à dire ?
Ce lac a 25 millions d’années. Mais il n’a jamais été aussi menacé. Les espèces sensibles disparaissent unes à unes, le lac est envahi par des algues vertes dues à la pollution des villes voisines. L’augmentation en flèche du tourisme dans la région n’arrange rien à la situation.
Et qu’est-ce que ce projet d’exploitation du Baïkal va devenir ?
On a déjà vu des projets chinois avortés pour des considérations écologiques en Russie. Pour le moment, les autorités russes temporisent et prévoient de vérifier que le projet respecte bien les normes environnementales de la région avant de donner leur avis définitif.
Pour La Libre Belgique. Plus de 15 000 russes ont défilé dans le centre de Moscou dimanche pour protester contre la prise de contrôle du web par les autorités russes.
« Poutine voleur, Poutine démission, ils ne comprennent rien à internet » scande la foule sur l’avenue Sakharov traditionnellement utilisée pour les manifestations autorisées par les autorités. Dimanche, plus de 15 000 russes ont participé à ce rassemblement pour dénoncer la main du Kremlin de plus en plus présente sur le web russe. Cheveux long, manteau noir, Mikhail Svetov, 34 ans est devenue l’idole d’une frange, souvent jeune, de l’opposition russe. Ce blogueur membre du parti libertaire de Russie est en première ligne de la bataille pour la protection du web dont la prise de contrôle par le Kremlin, déjà forte, s’accentue depuis la réélection du président Poutine, l’année dernière. Cette semaine, c’est une loi destinée à isoler l’internet russe du reste du monde qui pourrait entrer en vigueur. « Il faut s’opposer à cet isolement. Notre gouvernement veut construire une infrastructure qui pourra limiter le trafic quand elle le souhaitera, au dépend de toutes nos libertés. Cela nous transformera en Corée du Nord » explique l’opposant. Si la mise en œuvre de cette loi est encore mystérieuse, les ambitions du Kremlin seraient liées à la situation internationale. La Russie aurait besoin de se protéger d’éventuelles attaques extérieures. « Comprenez, c’est leur invention après tout » expliquait Vladimir Poutine en février dernier en faisant allusion aux États-Unis. Ils écoutent, ils regardent et lisent tout ce que vous dites puis ils stockent ces informations. Ce n’est pas dans leur intérêt de nous couper de l’internet mondial, je pense qu’ils y réfléchiraient à 100 fois avant de le faire, mais mieux vaut s’y préparer ». Chez les observateurs russes, il se dit qu’au Kremlin on ne comprend pas grand chose au web. Vladimir Poutine l’a rappelé récemment, il n’utilise jamais internet. « Nos dirigeants ont peur donc ils adaptent des censures soviétiques à notre époque, ils préféreraient que tout le monde regarde la télévision pour que Kissilev (journaliste connu pour sa propagande acharnée en faveur du Kremlin) nous explique qu’il n’y avait que cinq manifestants aujourd’hui. Sauf que notre génération ne fonctionne pas comme ça » explique l’opposant blogueur.
Difficultés techniques
Mais l’argument du style « guerre froide » du Kremlin ne convainc pas la jeunesse russe qui considère que cette volonté de créer un internet russe coupé du monde a des visées internes. La Russie compte des milliers de fournisseurs d’accès différents. L’objectif, à terme, serait de tout centraliser. En cas de mouvement de protestation, les autorités pourraient ainsi rapidement couper internet dans des villes et quartiers ou supprimer des contenus à leur guise.
Ces dernières années, face à une opposition de plus en plus organisée grâce aux réseaux sociaux, les autorités russes ont pris le contrôle du Facebook russe, Vkontakte et ont tenté de bloquer l’application de messagerie cryptée populaire en Russie, Telegram. En vain. « Ils veulent s’en prendre à internet pour se préparer à une éventuelle attaque de l’extérieur. Mais qui veut isoler l’internet russe ? Ce n’est pas l’Ouest » s’exclame un militant présent dimanche. Iaroslav, 17 ans, abonde en ce sens : « La version actuelle de cette loi est vraiment catastrophique en terme de liberté d’expression. Mais je suis sûr que la société civile parviendra à faire évoluer la position des députés ». On estime à environ 300 le nombre d’internautes condamnés tous les ans pour « diffusion de contenus extrémistes » parfois simples critiques du pouvoir. Ce web centralisé permettrait de repérer ce genre de contenus encore plus facilement. Si le projet de loi fait consensus au sein du parlement russe, rien n’est encore joué. L’échec du blocage de Telegram a montré que les tentatives de contrôle du web se heurtaient à de nombreuses difficultés techniques. À l’époque, plusieurs centaines de sites internet majeurs avaient subi des pannes alors que Telegram parvenait à maintenir son activité. De grandes entreprises s’inquiètent, l’Union russe des entrepreneurs qualifie ce projet de loi de « désastre ». Quant à Andreï Klichas, sénateur à l’origine de ce projet de loi, il a d’abord vanté les mérites de sa proposition sans parler argent. Les députés ont finalement découvert qu’isoler son internet national avait un coût élevé : Il faudrait au minimum 270 millions d’euros pour mener à bien ce projet que les institutions russes ne savent pour le moment pas comment financer. Un premier test est prévu le 1er avril prochain.
Paul Gogo
RFI
L’opposition russe était dans la rue, aujourd’hui, à Moscou. Plus de 10 500 personnes ont défilé, 6 000 selon la police, pour rendre hommage à l’ancien ministre et opposant, Boris Nemtsov, assassiné il y a quatre ans dans le centre de la capitale russe. Paul Gogo était dans le cortège.
Le rassemblement est devenu une habitude pour l’opposition russe depuis février 2015, date à laquelle l’ancien ministre et opposant Boris Nemtsov a été assassiné au pied de la place rouge. Fait notable, il s’agit d’un rare évènement d’opposition autorisé par les autorités russes. Dimanche après-midi, plus de 10 500 personnes ont pu défiler sur 1,5km, après avoir été fouillées par la police. Ilia Iachine, opposant et maire de quartier.
Micro 1
C’est une manifestation politique contre la politique de Poutine et pour une Russie libre et démocratique.
Nous voulons la libération des prisonniers politiques, que les enquêtes sur les assassinats politiques soient faites. Non seulement Nemtsov, mais tous les autres aussi. Nous voulons des élections justes dans tous les organes du pouvoir. 2/51
Son 2
Pour les manifestants, cette marche est l’occasion de défiler sans prendre le risque de se faire arrêter, tout en mettant la lumière sur les prisonniers politiques actuels. Anastasya Bourakova, jeune manifestante.
Micro 2
Je suis venue à la marche pour dénoncer les affaires choquantes, comme dans le cas de Boris Nemtsov, les commanditaires n’ont jamais été retrouvés. Je veux aussi parler des jeunes gens torturés par le pouvoir et des affaires criminelles fabriquées.
Son 3
L’ancien candidat à la présidentielle, Grigori Iablinski du parti Iabloko et l’opposant médiatique Alexeï Navalny étaient notamment présents dans le cortège.
Paul Gogo, Moscou, RFI
Après la victoire, le sacre. Tournée en bus pour les Bleus à Paris, « Deschamps Elysées » à l’Etoile, ou plutôt aux « deux étoiles ». Les Bleus perchés sur le toit du monde. On ne vous refera pas le film dans Accents d’Europe.
On a juste sélectionné deux images, en marge de la performance sportive. Celle de Kylian Mbappé tapant dans la main d’une opposante des Pussy Riot, qui avait fait irruption sur la pelouse pour interrompre brièvement le match. Ou cette autre photo, d’une fan zone vide avec cette légende : « La liberté est finie. Bienvenue dans la vraie Russie ». Deux photos qui font, bien sûr, référence à la situation des droits de l’homme à Moscou. Car derrière cette formidable liesse mondiale, il y a bien sûr une opération de communication bien orchestrée par Vladimir Poutine. Et le sort d’un homme Oleg Sentsov qui se meurt dans une colonie pénitentiaire du nord de la Russie. Le cinéaste ukrainien, engagé contre l’annexion de la Crimée, est en grève de la faim. Il a été condamné à 20 ans de prison pour terrorisme et trafic d’armes, à l’issue d’un procès qualifié de « stalinien » par Amnesty. Pour l’instant, aucune pression internationale n’a fait plier Poutine. Et en Russie, le cas Sentsov est quasiment tabou. A Moscou, le reportage Paul Gogo.
Nous sommes tous contre”, lance Anna sur un ton catégorique. Dans la cour de son immeuble, dans la banlieue de Iaroslavl (300 km de Moscou), entamer une discussion sur la réforme des retraites annoncée il y a deux semaines par le Kremlin amène tous les voisins à y prendre part. Le 14 juin, c’est le Premier ministre Dmitri Medvedev qui a annoncé cette réforme controversée qu’il espérait noyer dans l’euphorie du Mondial de football. Au même moment, le président Poutine donnait le coup d’envoi au premier match de la Coupe du monde. Ces changements que le gouvernement russe souhaiterait mettre en place dès l’année prochaine prévoient un départ en retraite à 65 ans au lieu de 60 pour les hommes d’ici 2028 et un départ en retraite à 63 ans au lieu de 55 ans pour les femmes, d’ici 2034. La moyenne d’âge des hommes russes s’élevant à 66 ans, il leur faudrait désormais travailler jusqu’à la mort. Ce que la majorité de la population fait déjà. “On dit que les femmes sont en meilleure santé, mais de quoi parle-t-on?” interroge Anna. A moins d’un an de la retraite, elle craint de devoir trimer jusqu’à la fin de sa vie. “Je travaille dans une usine dans laquelle nous faisons du pain, je vais devoir mourir devant mon four à pain?” Cette femme de 62 ans travaille la semaine à l’usine et le weekend dans un supermarché. Elle gagne près de 20000 roubles par mois (environ 270 euros). Anna, comme ses voisines descendues dans la cour du vieil immeuble, s’attendent à recevoir environ 8000 roubles par mois de pension (108 euros). Avec 5000 roubles de loyer, il ne leur resterait plus que 3000 roubles pour manger, soit environ 40 euros.
Un acquis du communisme
Fixé en 1932, ce plancher des retraites n’avait jamais évolué depuis Staline. D’après l’institut FOM cité par le journal “Kommersant”, près de 80% des Russes seraient contre cette réforme. Ces derniers jours, la cote de popularité du président Poutine a chuté de 72% à 63%. En Russie, le Premier ministre est souvent utilisé comme un paratonnerre pour protéger le président. Vladimir Poutine s’est donc empressé de déclarer, via son porte-parole Dmitri Peskov, qu’il n’avait pas eu de rôle à jouer dans la conception de cette réforme. Difficile de dire si cette décision poussera les Russes à descendre massivement dans la rue, les rassemblements étant interdits durant la Coupe du monde. En outre, les syndicats des travailleurs, qui sont contre cette réforme, n’ont un pouvoir de mobilisation que très limité en Russie. Mais dans la population, la grogne est bien présente.
Dimanche, l’opposant Alexeï Navalny avait appelé la population à manifester dans une trentaine de villes non hôtes de la Coupe du monde. Quelques centaines, voire milliers de personnes se sont mobilisées dans chaque ville, dimanche après-midi, sans que la police n’intervienne. Marina, 37 ans, n’a pas participé au rassemblement de Iaroslavl. Pourtant, elle s’affirme totalement opposée à cette réforme. “Je suis cuisinière, je nourris 400 personnes chaque jour. En rentrant, j’ai mes deux enfants à nourrir. Avec une hypothèque contractée pour acheter notre appartement, je risque de toute façon de devoir travailler à vie; ce ne sont pas les 8 000 roubles de retraite qui vont me nourrir”, raconte-t-elle, alors qu’elle attend son troisième enfant. A un âge où les portes du travail se referment, la situation pourrait paradoxalement devenir plus compliquée pour les femmes que pour les hommes. En Russie encore plus qu’ailleurs, il devient particulièrement compliqué pour elles de trouver un travail après 45 ans. Cette réforme pourrait créer une situation dans laquelle de nombreuses femmes se trouveraient sans travail et sans pension. “Nous ne voulons pas de ces galères là. Si nous avons la possibilité de descendre dans la rue pour manifester, nous le ferons”, conclut Marina, rejointe par sa voisine Liouba.
Paul GOGO
Reportage à retrouver sur le site internet de La Libre Belgique .
C’est l’ensemble des services de sécurité qui est mobilisé, de la police à l’armée”, confirme Alexei Lavrishchev, en charge de la sécurité durant le Mondial. Aux troupes russes s’ajouteront un millier de policiers étrangers hébergés dans la périphérie de Moscou, dans une “auberge espagnole” de la police. Ces derniers mois, des responsables russes se sont rendus en France et au Brésil pour bénéficier du retour d’expérience de ces deux pays hôtes de la Coupe du monde et de l’Euro. L’année passée, le budget sécurité du Mondial russe n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui une somme estimée à 32 milliards de roubles, soit environ 435 millions d’euros. Outre les hooligans, c’est le risque terroriste qui mobilise le plus l’attention des services de sécurité. A l’automne dernier, des canaux de propagande de l’organisation État islamique ont diffusé des menaces claires à l’encontre de la Russie. “Environ 8 500 djihadistes originaires de Russie ou des républiques d’Asie centrale auraient rejoint les rangs de l’EI ou d’autres groupes djihadistes au Moyen-Orient. Si le nombre exact de ceux qui sont revenus dans leur pays est inconnu, il est certain qu’au cours des mois qui ont précédé sa déroute territoriale, l’EI a donné pour instruction à certains d’entre eux de former des cellules dormantes pour passer à l’action le moment venu”, explique le Center for Strategic and International Studies.
Police fatiguée
Interrogé sur les menaces qui visent la Coupe du monde, Anton Gusev, chef adjoint du ministre de l’Intérieur en charge de l’organisation des événements de masse, s’est voulu aussi rassurant qu’énigmatique. “Nous savons beaucoup de choses, je peux vous assurer que les mauvaises choses n’auront pas lieu durant la Coupe, il n’y a aujourd’hui aucune menace sérieuse qui plane sur l’événement.” Mais, du côté des forces de l’ordre, cette mobilisation générale semble déjà fatiguer les troupes, qui seraient mal nourries, mal payées et concentrées dans onze villes hôtes et trente deux centres d’entraînement du pays. “Dans certaines régions, nous en arrivons à une situation telle qu’il n’y a simplement plus assez de personnel pour répondre aux appels”, affirme Vladimir Vorontsov, du syndicat interrégional de la police russe, cité par l’agence Reuters. “Cela bénéficie à la criminalité.”