Elena, militante LGBT assassinée en Russie

Reportage publié dans Grazia en août 2019.

Le 20 juillet dernier, un passant découvrait le corps inanimé d’Elena Grigorieva dans une cour d’immeuble de Saint-Pétersbourg. Cette militante révoltée de 41 ans avait reçu de nombreuses menaces.

Les circonstances de ce meurtre demeurent floues, mais un homme de 29 ans a avoué avoir étouffé puis poignardé Elena Grigorieva, 41 ans à huit reprises, samedi 20 juillet dans la soirée. D’après les enquêteurs, la jeune femme participait à une soirée dans un appartement de la banlieue sud de Saint-Pétersbourg lorsqu’elle a rencontré cet homme, un inconnu pour elle. C’est en allant fumer une cigarette avec lui dans la cour de l’immeuble, en fin de soirée qu’une dispute aurait éclaté entre-eux, jusqu’à ce que l’homme sorte un couteau. C’est non loin de chez elle, dans cette cour aux frontières d’une enfilade sans fin de barres d’immeubles de béton et de quartiers gris de style soviétique que le corps d’Elena a été retrouvé, une dizaine d’heures après le meurtre, dans un buisson.

Originaire de Véliki Novgorod, Elena Grigorieva était une activiste chevronnée, connue de tous les militants de Saint-Pétersbourg critiques du pouvoir russe. Le parcours de cette femme brune toujours affublée de ses lunettes rondes et d’une veste en cuir n’est pas passé inaperçu lors de son arrivée en ville. D’abord militante nationaliste, la jeune femme a raconté à ses proches avoir été choquée par l’annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie en 2014 puis par le soutien apporté par l’armée russe aux séparatistes du Donbass. De quoi la convaincre de changer de camp et ainsi, rejoindre les « libéraux » russes, l’opposition. Elle n’aura jamais coupé ses liens avec ses anciens amis nationalistes qu’elle essaiera de rallier à ses causes. Cela lui vaudra ses premières menaces de mort que la police n’aura pas plus pris la peine d’étudier que sa plainte pour un viol…

Une femme de tous les combats

Il y a plus d’un an, la jeune femme annonce publiquement sa bisexualité faisant encore plus enrager ses ennemis. Le combat pour le respect des droits pour les LGBT lui devient alors essentiel. « Nous nous sommes rencontrées en avril dernier à l’occasion de la campagne « Jour de silence ». Des activistes de différents pays se couvraient la bouche pour attirer l’attention sur l’homophobie. Elena s’est faite arrêter par la police alors qu’elle n’avait rien fait d’illégal. Ça lui arrivait souvent » se remémore Vitali Bespalov, militant LGBT. L’opposante multiplie les actions contre la guerre, en solidarité avec des prisonniers politiques, soutient le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov emprisonné, les tatars de Crimée persécutés…

« Lena était gentille, réceptive, amusante, elle avait beaucoup d’amis mais aussi beaucoup d’ennemis » raconte Alexandre Mironov, un ami proche d’Elena. La militante se savait menacée, elle avait prévu de faire un double des clés de son appartement et de lui confier son chat, « Turner ». « Elle m’a accueilli quand je me suis retrouvé sans appartement, j’étais au chômage, elle aussi. Elle travaillait un peu au noir. Quand Lena a fait son « coming out », elle a reçu beaucoup de menaces, elle m’appelait pour en parler parfois » raconte Alexandre. Sur sa page Facebook, le militant appelle le monde entier à lui envoyer de l’argent pour soigner le chat qu’il a recueilli. Il tient à montrer des impressions d’écran de discussions entre Elena et certains de ses harceleurs. On y voit notamment une photo avec deux poignards et un commentaire d’un certain « Don Kotiano » « Qu’en penses-tu pédéraste, je vais te poignarder à fond ? ». Elena répond, provocante « je ne suis pas contre ! ».

«Pila » contre les LGBT

Souvent présentée comme la plus européenne des villes russes, Saint-Pétersbourg jouit d’un milieu militant particulièrement actif et productif. Lorsqu’en 2017 et fin 2018, des ONG ont dénoncé des purges contre les LGBT de Tchétchénie, c’est vers Saint-Pétersbourg que nombre d’entre-eux ont afflué, notamment soutenus par Igor Kotchetkov de l’ONG « réseau LGBT russe ». Cela n’empêche pas la banlieue de la ville d’être réputée dans toute la Russie pour abriter de nombreux nationalistes et néonazis.

Mi-juin, Kotchetkov s’est retrouvé en Une du site internet d’un réseau nationaliste homophobe « Pila contre les LGBT ». Le militant pour les droits des LGBT y apparaît à côté d’une corde et d’une bulle lui faisant déclarer « Oh, une corde, je pourrais me pendre avec ! ». Ces nationalistes demandent entre autre la fermeture des comptes en banque des LGBT russes, « l’obligation de soigner les LGBT », la fin des aides gouvernementales destinées aux séropositifs et menacent : « Nous vous avons préparé des cadeaux dangereux et cruels » suivi d’une liste de militants à viser. Elena Grigorieva y apparaît, Bespalov et Kotchetkov également… « Nous en avons discuté. Nous ne voulions pas avouer notre peur d’y apparaître, nous en avons rigolé » raconte Vitali Bespalov. « Je pense pour autant que cette liste n’est pas liée à son meurtre, ces gens ne font que parler. Mais ils peuvent inspirer des fous. Les enquêteurs parlent de « meurtre domestique ». Personne n’y croit dans le milieu militant de Saint-Pétersbourg, nous sommes tous convaincus que ce meurtre est lié à ses idées, son militantisme ».

Paul GOGO

La Libre Belgique. Comment Ramzan Kadyrov a utilisé le Mondial pour servir sa com’

Ramzan Kadyrov avait fait pression auprès du Kremlin et de la Fifa jusqu’au bout. Pas question pour le leader autoritaire de la Tchétchénie d’être écarté de la Coupe du monde. L’indignation

générale des ONG de défense des droits de l’homme n’y a rien fait, Kadyrov s’est vu attribuer la responsabilité d’accueillir l’équipe égyptienne dans sa capitale, Grozny. Le politicien controversé a cependant été épinglé de nombreuses fois pour ses atteintes aux droits fondamentaux et à la liberté de la presse. Il a également été accusé d’avoir emprisonné, torturé et assassiné des dizaines d’homosexuels de Tchétchénie, provoquant un tollé dans le monde entier. Sauf en Russie.

Un roi de la com’

Le jeune leader autoritaire, star des réseaux sociaux et notamment d’Instagram, occupe ses journées à monter des opérations communication autour de sa personne. Pour ce fan de l’équipe égyptienne, recevoir le célèbre attaquant de Liverpool Mohamed Salah dans sa capitale relevait du cadeau

inattendu dont il a su tirer les bénéfices à force de publications sur Internet et dans les médias d’État. S’il y a un sujet qui fait régulièrement débat en Russie, c’est l’importance des fonds nationaux envoyés par le Kremlin en Tchétchénie. Le contrat originel liant Vladimir Poutine à Ramzan Kadyrov consiste à faire en sorte que ces roubles permettent au président tchétchène d’assurer la stabilité de cette région qui fut autrefois une vraie poudrière pour Moscou. Mais, depuis quelque temps, Vladimir Poutine voit en ce coûteux Kadyrov un rôle d’autant plus stratégique. Ses liens et ses affinités avec les leaders du Moyen-Orient pourraient jouer un rôle clé dans la Russie du futur. C’est ainsi que les joueurs égyptiens ont été accueillis comme des rois à Grozny. En plein ramadan, dans une ville où l’alcool se fait rare, de nombreux titres de presse russes ont rapporté les propos des locaux qui,semble-t-il, étaient plus prompts à soutenir l’équipe d’Égypte que l’équipe russe durant ce Mondial pour une question de proximité culturelle. “A travers le football, nous allons montrer que nous nous développons et que, contrairement à ce qu’affirme la presse qui souhaite raviver d’anciennes haines par la désinformation, nous ne revenons pas en arrière”, a affirmé Magomed Matsuev, directeur du stade de Grozny, au “Guardian”.

Mo Salah piégé

C’est donc l’attaquant Salah qui s’est retrouvé au cœur de cette opération communication. Sorti de

son lit par le leader tchétchène alors qu’il soignait une blessure à la jambe, il a dû défiler devant les caméras collé à l’infréquentable Kadyrov. Quelques jours plus tard, il a été fait citoyen d’honneur de Tchétchénie, une nouvelle fois au côté de Kadyrov, et devant toutes les caméras de la région. Un piège selon Mohammed Salah qui s’est retrouvé au cœur d’une polémique. Selon CNN et ESPN, le joueur serait furieux au point de réfléchir à arrêter sa carrière. Il accuse la fédération égyptienne de ne pas l’avoir protégé, de ne pas lui avoir laissé le choix de poser au côté d’un Kadyrov excité comme un enfant. Fin du calvaire pour l’attaquant, l’Egypte a quitté le Mondial lundi soir.

Paul GOGO

Russie : 17 militants LGBT arrêtés à Saint-Pétersbourg

Papier diffusé sur Libération.fr

Répondant à l’appel de l’organisation de l’opposant à Vladimir Poutine Mikhail Khodorkovski, les manifestants s’étaient allongés ce lundi sur l’artère principale de la ville avec drapeaux tchétchènes et LGBT et faux sang pour dénoncer la répression du président Ramzam Kadyrov.

 

Au moins 17 militants LGBT ont été arrêtés ce lundi en marge d’un défilé du 1er mai à Saint-Pétersbourg, selon l’organisation russe spécialisée dans le monitoring de manifestations OVD-info. Affublés d’étendards arc-en-ciel et de drapeaux de la Tchétchénie, les militants se sont allongés sur l’artère principale de la ville, Nevsky prospect, couverts de faux sang. Ils s’en sont alors pris au président de la République de Tchétchénie, Ramzam Kadyrov, en s’écriant «Kadirov, à La Haye !», référence au siège du Tribunal pénal international. Plus tard dans la journée, la police a justifié ces arrestations en faisant état d’un «trouble à l’ordre public».

Ces militants répondaient notamment à l’appel de l’organisation Russie ouverte, de l’oligarque opposant à Vladimir Poutine Mikhail Khodorkovski. Elle est la cible des autorités depuis maintenant plusieurs jours. Samedi, ses représentants ont réuni des centaines de manifestants à travers le pays pour appeler Poutine à ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle, en 2018.

Une action avortée à Moscou

Il y a quelques semaines, une enquête du journal d’opposition et d’investigation Novaïa gazeta décrivait le harcèlement et les menaces dont font l’objet les LGBT de Tchétchénie. Une centaine de personnes, LGBT ou soupçonnées de l’être, auraient ainsi été arrêtées par les autorités tchétchènes puis menacées de mort, voire assassinées, le mois dernier. Les autorités du pays ont nié l’existence de ces méthodes, arguant «qu’on ne pouvait pas détenir et persécuter des gens qui n’existent pas dans notre république».

Si ces révélations et la communication provocatrice du gouvernement tchétchène ont fait le tour du monde, elles n’ont eu de résonance en Russie qu’à travers les réseaux sociaux, où les Russes se sont indignés en nombre. Cette action du 1er mai représente une première tentative de dénoncer le sujet publiquement, qui reste sensible en Russie : les autorités chassent quotidiennement les signes de «propagande homosexuelle».

Toujours à l’appel de la fondation Russie ouverte, des militants «végans et LGBT» (selon les termes de l’organisation) ont également tentés de se faire entendre à Moscou ce lundi. Les 19 militants ont été temporairement retenus par la police, accusés d’avoir déployé un drapeau arc-en-ciel dans le centre-ville puis relâchés sans poursuites.

Paul GOGO

[Ouest-France] « En Ukraine, le parlement n’est pas trés gay »

Paru dans Ouest-France le 11/11/2015

Il rechigne à adopter des réformes réclamées par l’Europe, dont la fin des discriminations envers les homosexuels.
Photo Paul Gogo
Photo Paul Gogo

Jeudi dernier, le Parlement ukrainien devait voter un paquet de douze lois exigées par l’Union européenne, en préalable à une libéralisation du régime des visas. Voyager dans l’espace Schengen sans visa, se rapprocher de l’Europe, c’est l’un des rêves de la « génération Maidan », cette jeunesse qui s’est soulevée contre l’ancien pouvoir pro-russe il y a bientôt deux ans.

Mais deux seulement de ces lois ont été adoptées, ce qui déclenche la colère des anciens militants de Maidan. Hier, ils étaient près de quatre cents manifestants réunis devant le Parlement, pour exprimer leur mécontentement.

En apparence, la protection des minorités, qu’une des lois devait inscrire dans le Code du travail, provoque le blocage. Dans un pays où l’homosexualité est taboue, le texte a semble-t-il refroidi les députés …

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