L’ONG « Mémorial » prise pour cible dans le Caucase

Papier publié dans Ouest-France

Il était 10h30 le 9 janvier dernier lorsque Oyub Titiev, représentant de l’ONG russe de défense des Droits de l’Homme Mémorial en Tchétchénie (1 800km au sud de Moscou), a été arrêté par la police. 180 grammes de marijuana ont été retrouvés dans la voiture de ce militant âgé de 60 ans. Ses proches et collègues accusent la police d’avoir usé d’une ficelle vieille comme le monde. Faire tomber un opposant en déposant de la drogue dans sa voiture. Lors de la perquisition du bureau de l’ONG à Grozny, la capitale, la police a trouvé un cendrier remplis de cigarettes. Aucun membre de l’équipe ne fumant, Mémorial accuse la police d’être venue avec ses « preuves ».

« Ils vont tenter de me faire passer pour un drogué. Si je plaide coupable un jour, cela ne se fera que par la force ou le chantage » a écrit Oyub Titiev dans une lettre transmise à son avocat.

Incendie

Mercredi dernier, deux hommes ont mis le feu au bureau de Mémorial en Ingouchie, non loin de Grozny. « Après les guerres de Tchétchénie, ce bureau a accueilli des milliers de victimes de tortures, ou de gens sans nouvelles de leurs proches enlevés et assassinés par les militaires et services de sécurité russe puis, aujourd’hui, par les autorités Tchétchènes soutenues par Moscou » raconte Tanya Lokshina, responsable de l’ONG HRW en Russie. Depuis plusieurs semaines, la police du président Ramzan Kadyrov est de nouveau accusée d’user de la torture. Après s’en être pris aux homosexuels de la région, ce sont des trafiquants de drogue présumés qui seraient plusieurs dizaines à être torturés dans les geôles de Grozny. À la veille de la présidentielle, le « problème tchétchène » est tabou en Russie où le Kremlin continue d’arroser la république tchétchène en roubles, comptant sur l’incontrôlable Kadyrov pour maintenir une certaine stabilité dans cette région.

Paul GOGO

Les moscovites se souviennent des grandes purges

Plus de 5 000 moscovites ont rendu hommage aux victimes des grandes purges staliniennes dimanche.

Sur la place de la Loubianka comme sur la liste des victimes des purges, dimanche, toutes les catégories sociales et tous les âges étaient représentés. Il y a 80 ans, plus de 40 000 moscovites été arrêtés, souvent assassinés ou tués au goulag. Nombre d’entre-eux sont passés par les geôles de la place de la Loubianka, siège de la police politique, autrefois KGB, aujourd’hui FSB.

Depuis dix ans, le dernier week-end de novembre, des milliers de personnes viennent y saisir le micro tendu par l’ONG de défense des Droits de l’Homme « Mémorial », pour y faire résonner le nom d’une victime. « Ce sujet concerne pratiquement chaque famille de notre pays. Mon arrière grand-père Pozdeev Policarp Ivanovich a été envoyé à Norilsk (nord de la Russie) pour y construire une usine de nickel. Il était paysan, on l’a arrêté en 1938 et jugé dans sa propre maison » raconte Oxana Baoulina.

Mémoire officielle

Au moment de prendre la parole dimanche, nombre des 5 286 participants ont ajouté au nom proposé par l’ONG celui d’un membre de leur famille. Durant les 12 h de l’événement, les larmes qui ont coulé ont souvent laissé place à la colère. « Je suis très inquiète parce que la propagande de l’état essaye de justifier ces événements. Certain aimeraient que je retienne que mon arrière grand-père a participé à l’industrialisation du pays. Cette industrialisation était inhumaine et criminelle, le pouvoir actuel ne le reconnaîtra jamais. C’est pourquoi il faut changer de pouvoir » s’énerve Oxana Baoulina.

Les cérémonies de « Mémorial » ne reçoivent jamais de soutien de la part de l’État. La cérémonie officielle était organisée lundi. Représentants politiques et religieux ont inauguré un monument en mémoire des victimes des répressions politiques en présence du président Poutine. Loin de la place la Loubianka.

Paul GOGO