C’est l’ensemble des services de sécurité qui est mobilisé, de la police à l’armée”, confirme Alexei Lavrishchev, en charge de la sécurité durant le Mondial. Aux troupes russes s’ajouteront un millier de policiers étrangers hébergés dans la périphérie de Moscou, dans une “auberge espagnole” de la police. Ces derniers mois, des responsables russes se sont rendus en France et au Brésil pour bénéficier du retour d’expérience de ces deux pays hôtes de la Coupe du monde et de l’Euro. L’année passée, le budget sécurité du Mondial russe n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui une somme estimée à 32 milliards de roubles, soit environ 435 millions d’euros. Outre les hooligans, c’est le risque terroriste qui mobilise le plus l’attention des services de sécurité. A l’automne dernier, des canaux de propagande de l’organisation État islamique ont diffusé des menaces claires à l’encontre de la Russie. “Environ 8 500 djihadistes originaires de Russie ou des républiques d’Asie centrale auraient rejoint les rangs de l’EI ou d’autres groupes djihadistes au Moyen-Orient. Si le nombre exact de ceux qui sont revenus dans leur pays est inconnu, il est certain qu’au cours des mois qui ont précédé sa déroute territoriale, l’EI a donné pour instruction à certains d’entre eux de former des cellules dormantes pour passer à l’action le moment venu”, explique le Center for Strategic and International Studies.
Police fatiguée
Interrogé sur les menaces qui visent la Coupe du monde, Anton Gusev, chef adjoint du ministre de l’Intérieur en charge de l’organisation des événements de masse, s’est voulu aussi rassurant qu’énigmatique. “Nous savons beaucoup de choses, je peux vous assurer que les mauvaises choses n’auront pas lieu durant la Coupe, il n’y a aujourd’hui aucune menace sérieuse qui plane sur l’événement.” Mais, du côté des forces de l’ordre, cette mobilisation générale semble déjà fatiguer les troupes, qui seraient mal nourries, mal payées et concentrées dans onze villes hôtes et trente deux centres d’entraînement du pays. “Dans certaines régions, nous en arrivons à une situation telle qu’il n’y a simplement plus assez de personnel pour répondre aux appels”, affirme Vladimir Vorontsov, du syndicat interrégional de la police russe, cité par l’agence Reuters. “Cela bénéficie à la criminalité.”
Le procès des djihadistes de la « filière de Strasbourg », sept personnes accusées d’association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme et amenées à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Paris. J’ai couvert ce procès de sept jours en direct depuis le tribunal pour Rue 89 Strasbourg.
Il est deux heures du matin, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre, quand le cabinet du président Porochenko appelle l’ambassadrice de France en Ukraine, Isabelle Dumont. À 11h le lendemain matin, le président, son premier ministre et une partie de son gouvernement débarquent devant l’ambassade pour s’y recueillir. Ont suivi, des dizaines d’ukrainiens. « J’ai été impressionnée par le nombre d’ukrainiens qui sont venus déposer des fleurs devant l’ambassade pour exprimer leur solidarité avec le peuple français » a ensuite déclaré l’ambassadrice.
Les ukrainiens se sentent d’autant plus proches des français qu’ils connaissent le traumatisme et les conséquences d’un massacre causé au cœur d’une capitale.
Isabelle Dumont, ambassadrice de France et Petro Porochenko, président d’Ukraine. Photo : Paul Gogo
Mais pour le reste, la situation française n’est en rien comparable à la situation ukrainienne.
Au delà de la sincérité certaine des ukrainiens et de leur président, il y a, dans l’ensemble des discours du président Porochenko, une volonté obsessionnelle de faire un lien entre la situation ukrainienne et le terrorisme mondial. C’est parfois clairement dit, parfois insinué, le président ne cesse de répéter que l’Ukraine fait partie des victimes de ce terrorisme mondial. Car si l’ensemble de la presse internationale qualifie le conflit ukrainien de guerre (parfois civile), en Ukraine, pour une question de communication auprès de la population, la guerre du Donbass est considérée comme étant une « opération antiterroriste ». La majorité des médias ukrainiens respectent encore aujourd’hui cet élément de langage pourtant issu de la communication gouvernementale.
Mais cette comparaison grossière entre la guerre du Donbass et les attaques terroristes perpétrées dans le monde entier par l’état islamique trouve un certain écho chez les militants ukrainiens les moins modérés. Après avoir rendu hommage aux victimes des attentats, certains ont ensuite publié des photos de cadavres de soldats ukrainiens sur les réseaux sociaux. « Nous vous soutenons de tout cœur mais lorsque des soldats sont morts cette semaine dans le Donbass, personne n’est venu déposer de fleurs devant l’ambassade d’Ukraine en France » expliquaient-ils. L’Ukraine a parfois du mal à faire la différence entre la mort de ses soldats participants à une guerre et l’assassinat de civils en plein cœur de Paris, ville européenne dont la culture et le symbole de ces actes parlent au monde entier.
Il est vrai que la semaine dernière, au moins sept soldats ukrainiens ont été tués dans l’Est de l’Ukraine. Un regain de tension inédit depuis le cessez-le-feu de septembre dernier. Avec le retour des combats, les rumeurs d’attaques lancées par les renseignements ukrainiens pour mobiliser l’attention de la population se multiplient de nouveau. Au lendemain des attentats de Paris, les responsables Ukrainiens ont fait état de menaces particulières pesant sur les grandes villes du pays. La nature du risque n’a pas été précisée et le communiqué officiel entretien un flou étrange, insinuant (comme l’ont interprétés certains médias), que le risque pouvait être autant islamique que séparatiste…
En liant Vladimir Poutine à l’ensemble des catastrophes mondiales dans une volonté de diabolisation permanente de l’ennemi et de contre-propagande maladroite, le président encourage la naissance des théories du complot. L’idée se répand massivement dans les réseaux ukrainiens que les attaques terroristes de Paris seraient liées à Vladimir Poutine, les militants allant jusqu’à inventer la présence de Tchétchènes lors de cette attaque…
Est-il vraiment utile de démonter cette théorie… L’attaque de vendredi était attendue par les autorités, les responsables connus, notons également que Vladimir Poutine n’est pas plus épargné par les menaces terroristes que les français. 214 russes ont été tués lors du crash du Sinaï il y a deux semaines, 6 cette semaine à Bamako, les moscovites s’attendent à un attentat de grande ampleur dans les mois à venir, prendre le métro à Moscou devient une épreuve pour beaucoup d’habitants… Poutine bombarde peu l’EI, certes, (sûrement toujours plus que la France avant les attentats) mais se positionne sans ambiguïtés contre le groupe terroriste. Les adeptes de cette théorie du complot soulèvent que l’attaque fait le jeu de Vladimir Poutine. C’est vrai, mais il fait aussi sûrement le jeu du Front National, le jeu de l’ensemble des partis d’extrême droite européens, il fait aussi le jeu de Bachar el Assad, et il est même certain que cette nouvelle séquence « attentats » remontera la côte de popularité de François Hollande…
En arrière plan de ces théories tarabiscotées, il y a l’image d’un président ukrainien incapable de projeter l’Ukraine comme un pays mondial, les yeux rivés avec obsession sur le Donbass et sur Vladimir Poutine.
Il y a depuis quelques temps une inquiétude légitime qui traverse la population ukrainienne. Tout simplement celle d’être oublié par la diplomatie internationale. Il faut dire que la guerre s’est arrêtée aussi brutalement qu’elle est arrivée, en septembre dernier. La population comprenant que le Donbass et la Crimée ne reviendraient pas en Ukraine d’aussitôt, le temps était alors venu pour le président Porochenko de communiquer plus fortement sur les réformes en cours afin de conserver un certain soutien de la population, de montrer que le pays pouvait s’en sortir. Mais les événements politiques de ses dernières semaines commencent à fatiguer les ukrainiens qui ne voient plus le bout du tunnel. Un parlement incapable de voter démocratiquement et légalement des lois essentielles à la bataille contre la corruption et à un rapprochement de l’Europe, des élections régionales sabordées par les oligarques et barons défendant leurs citadelles, les mêmes qu’avant la révolution de la Dignité, un président ne tenant pas ses promesses, incapacité à faire condamner les responsables des massacres d’Odessa et de la révolution de la Dignité… Autant de réalités qui réclament des réponses et des actes.
Suite aux attentats parisiens, il y a également l’inquiétude que la France opère un rapprochement vers la Russie. Une inquiétude compréhensible, aux vues des dernières déclarations de Nicolas Sarkozy déclarant désormais ouvertement son amour à la Russie. Quand à François Hollande, il a d’ores-et-déjà entamé un rapprochement avec la Russie, avec en tête cette fameuse unique coalition en Syrie. Ainsi, l’Ukraine craint, que, le temps passant, le pays soit oublié et effacé par une éventuelle coalition syrienne, par l’actualité et par l’évolutions des intérêts politiques. Avec la peur de se retrouver abandonnée en cas de nouvelle attaque russe dans le Donbass, où, d’une façon plus réaliste, que la situation en Syrie pousse l’Europe à lever certaines sanctions au 31 décembre.